L'initiative politique d'intermédiation du président du parti Jil Jadid, Soufiane Djilali, auprès du président Abdelmadjid Tebboune pour la libération des deux figures emblématiques du hirak, Karim Tabbou et Samir Benlarbi, a suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux, auprès des collectifs de la défense et de certains milieux politiques, à l'image de la saillie du docteur Saïd Sadi fustigeant «les télégraphistes du pouvoir». Tous y ont vu une tentative partisane de récupération politique doublée d'une volonté de soigner l'image du chef de l'Etat auprès du hirak, tout en ne réglant rien, par ailleurs, de leurs avis, quant à la problématique de fond : l'arbitraire de leur incarcération. N'ayant pas apprécié d'être cour-circuités dans la défense de leurs mandants, les collectifs des avocats des prévenus dénoncent une tentative de peser sur le cours de la justice, en imposant le fait accompli de la condamnation. Il est vrai que Soufiane Djilali n'a été mandaté ni par les familles des détenus, ni par la défense, encore moins par le hirak – ce dont le chef de Jil Jadid ne s'est jamais prévalu au demeurant – mais à sa décharge, peut-on lui dénier le droit, en tant qu'homme politique et chef d'un parti agréé, de prendre une initiative qui n'engage que sa personne et sa formation politique ? L'opposition ne participe-t-elle pas à sa délégitimation, à sa propre diabolisation, en pratiquant, contre elle-même, l'ostracisme, l'exclusion et la pensée unique ? Le dossier des détenus du hirak n'est pas l'affaire exclusive des avocats des prévenus ou de quelques îlots de la défense des libertés et des droits de l'homme ; le confiner dans ce prisme réducteur revient à le dépouiller de son substrat politique que même le pouvoir semble désormais admettre, à mots couverts, en affichant sa disponibilité à examiner la requête de Soufiane Djilali. A ce titre, peut-on dénier à un homme politique qui, a fortiori s'inscrit dans l'opposition, d'appeler à la libération des détenus du hirak en explorant une voie qui ne fait pas consensus dans l'opposition et au sein du mouvement populaire : celle de l'intermédiation avec le nouveau pouvoir. Ce qui a sans doute le plus irrité dans la démarche du président de Jil Jadid, c'est le fait de s'être donné la liberté d'inspirer une démarche jugée suspecte et ne réparant pas les injustices commises. La réhabilitation politique ne répare pas le déni de justice et l'arbitraire. C'est vrai. Mais faut-il pour autant ne rien faire, laisser les détenus du hirak croupir en prison pour ne pas faire le jeu du pouvoir ? L'urgence aujourd'hui, n'est-elle pas de faire sortir, au plus vite, les détenus d'opinion, tous les détenus ? Bien sûr que ce qui est souhaitable et juste aussi, pour les parties concernées, serait d'obtenir leur relaxe et leur réhabilitation pleine et entière, en bonne et due forme, par le recours à l'ordre judiciaire. C ‘est possible. C'est la voie de la raison, de la sagesse et de la justice. Mais dans tous les cas de figure, l'opposition n'a rien à gagner en s'étripant dans des querelles de juridisme, quand des vies sont en danger, des familles déchirées, des enfants traumatisés par l'absence d'un père, d'un frère, d'une sœur incarcérés. Si elle n'est pas prise en charge aujourd'hui, la question de la réhabilitation des détenus du hirak s'imposera demain, inéluctablement, dans toute sa symbolique et avec solennité, dans une Algérie, plus forte avec ses nouvelles institutions démocratiques qui sauront (re)dire le droit, dans le respect de la loi et rien que de la loi.