La peine capitale a été maintenue pour Mohamed Gharbi, après que la Cour suprême eut rejeté un appel introduit par sa famille. La réconciliation, dont les vertus sont vantées à tous les niveaux, n'a pas prévu de place pour ce moudjahid de la première heure, enrôlé dans les rangs de l'ALN à l'âge de 14 ans, ni pour le patriote aguerri qui a su mobiliser 600 hommes et braver les hordes du mal, kalachnikov à la main. Dans la partie nord de la région jusqu'à Bouhadjar (confins de la wilaya d'El Tarf), son nom est évoqué avec la vénération qui lui est due. Sa réputation a atteint les cimes le jour où deux jeunes prisonnières des terroristes, dont une enceinte, ont été libérées et ramenées dans leurs familles respectives. Les deux victimes de viols collectifs et des pires sévices n'ont jamais cessé de rendre visite à Ammi Mohamed, même après sa condamnation. Le guerrier infatigable qu'il était n'a pu amasser ni fortune ni courir derrière les privilèges. Ses six fils sont loin de jouir d'un statut de nabab et sa fille unique n'affiche aucun signe d'opulence. Mehdi et Mahmoud, âgés de 20 et 24 ans, gagnent leur croûte difficilement grâce à des activités commerciales temporaires. Mourad, le frère aîné, pleure son père et prie pour sa libération, tout en montrant du doigt les hommes aux convictions conjoncturelles et les relais locaux de l'Etat théocratique qui ont œuvré, affirme-t-il, en faveur de la condamnation du père Gharbi. Depuis le 11 janvier 2001, l'homme, âgé aujourd'hui de 74 ans (né en 1936, présumé en 1941), conserve l'allure du maquisard aguerri malgré le fardeau des années, les maladies qu'il a contractées récemment et la séparation des siens. « Mes larmes me trahissent quand mon père se présente au parloir les mains menottées et les traits affectés par la maladie », nous dit Mourad, un quadragénaire que la responsabilité de la famille et la rude épreuve à laquelle il est soumis semblent agiter au point de confondre ses gestes et ses réactions avec ceux d'une personne nettement plus âgée. C'est d'ailleurs lui qui nous expliquera que sa mère n'est pas en mesure de recevoir des visiteurs à cause d'un profond malaise qui rend impossible toute discussion avec elle. Son état de santé s'est dégradé depuis la décision de rejet de l'appel introduit au niveau de la Cour suprême.