Doctorante en littérature amazighe à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, Rachida Ben Sidhoum est également poétesse ainsi qu'auteure de recueils de poésie et de romans en tamazight. Dans ses publications, elle a abordé plusieurs sujets liés beaucoup plus aux multiples tabous qui, dit-elle, ont gangrené la société. A travers ses œuvres, elle livre, ajoute-t-elle, des messages de tristesse et d'espoir. Propos recueillis par Hafid Azzouzi
-Vous êtes doctorante en littérature amazighe à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou et également poétesse ainsi qu'auteure de plusieurs livres. Pouvez-vous nous parler des sujets abordés dans vos publications ? Les histoires abordées dans mes livres existent dans notre société. Cela veut dire que je défends une idée et j'en blâme une autre. L'objectif aussi est casser plusieurs tabous qui gangrènent notre société. Ainsi, le recueil intitulé Keltouma yemma ta3zizt, c'est un hommage que j'ai rendu à ma mère à qui je souhaite une longue vie et une bonne santé. Il s'agit, en outre, des poèmes qui, dans chaque strophe, résument ce qu'elle a vécu, ses souffrances pour nous (ses enfants) sachant qu'elle a été abandonnée par son mari qui est malheureusement mon papa. Dans ces poèmes, j'ai essayé de lui dire tout ce qu'elle mérite comme une maman, comme une femme kabyle qui avait l'habitude de se sacrifier et de vivre des moments intenables. Aussi, j'ai voulu exprimer ma gratitude à l'égard de ma mère, surtout après ma réussite dans les études. Il s'agit, en effet, d'extérioriser certains sentiments d'une personne qui a durement subi les affres d'une vie tourmentée par la séparation des parents. J'ai édité aussi un troisième livre intitulé Init-as i gma. Ce travail consiste notamment à rassembler des peines en poèmes pour dire ce qu'on ne peut pas dire et pour réclamer en silence. L'écriture me soulage. Là aussi, c'est un autre message pour les frères de vivre en communion avec leurs sœurs et d'être en mesure de se comprendre de manière fraternelle. Ces poèmes expriment notamment le cri de la femme qui cherche le soutien de ses frères pour qu'elle puisse vivre dans la dignité et dans le respect, surtout lorsqu'on sait qu'aujourd'hui la femme a prouvé ses compétences et s'est illustrée avec son savoir-faire dans divers domaines. Je veux dire aussi que la vie sans frères est amère, car personne ne peut détester son frère même dans une situation de séparation des parents. Mon souhait, à travers ce recueil de poésie, est de sensibiliser contre les conflits conjugaux qui ont souvent eu des conséquences désastreuses sur les familles. Les enfants en sont les principales victimes. Il y a également un livre Poésie pour mon mari. Il s'agit d'un travail collectif, à vrai dire, avec l'écrivaine roumaine, Mariana Bendou, que j'ai connu comme amie sur Facebook. Cette personne s'intéresse à notre culture et nos traditions. Elle m'a demandé de lui traduire aussi ses poèmes en kabyle et je l'ai fait avec beaucoup de plaisir. Ce livre, elle l'a édité en Roumanie. Je veux dire également que la poésie et l'écriture romanesques en tamazight ont brisé beaucoup de tabous dans notre société. -Outre les recueils de poésie, vous avez aussi écrit des romans en tamazight ? Oui, de la poésie, j'ai ensuite, fait un «saut» vers l'écriture romanesque. J'ai d'ailleurs édité mon premier roman Lhif d'usirem (La galère et l'espoir). Dans ce livre, j'ai essayé de montrer la souffrance de certaines filles qui ont réussi dans leur vie mais après avoir surmonté moult obstacles. Dans mon roman, le personnage reflète amplement l'histoire de la vie d'une personne tourmentée par les aléas de tout bord, et ce, avant de finir par voir le bout du tunnel. Cette publication met également en exergue l'importance de l'union conjugale pour épargner les enfants de blessures qui peuvent découler de l'instabilité d'une famille. L'histoire relate que la famille, c'est le milieu que tout le monde souhaite garder uni et empreint d'une joie qui ne quitte jamais la maison. Toutefois, le destin de Tanina en a décidé autrement. C'est ainsi que le monde extérieur l'a accueillie à bras ouverts. Le monde extérieur, c'est-à-dire un monde qu'elle croyait pouvoir l'aider à surmonter sa blessure. Or, cela n'a pas été vraiment le cas. Et pour cause, Tanina a aimé une personne qui l'a trahie en entreprenant une relation avec sa copine intime. Une histoire de trahison qui explique les déboires d'une fille exposée à tous les relents de la société. Mon livre est, en quelque sorte, un message pour les filles qui voient en les fléaux qui guettent la société un moyens pour oublier leurs peines. Il s'agit aussi d'un message d'espoir qui explique que la seule clef de la réussite est d'être en mesure de transformer son échec en une réussite. Je veux également expliquer, à travers mes livres, que la réussite d'une fille réside surtout dans son caractère qui lui procure le courage et l'abnégation pour aller toujours de l'avant et réussir ses études. -Vos publications évoquent des moments de tristesse et d'espoir aussi. Pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons de ce penchant vers l'oxymore dans vos livres ? Mes publications sont effectivement un mélange de tristesse et d'espoir en même temps. La raison : ce que j'ai écrit est pratiquement le reflet de mes peines, tristesses et moments d'espoir. Mais, cela m'a appris que malgré l'échec, l'homme ne doit pas baisser les bras car, dans la vie, il y a toujours de belles choses qui se cachent là où on peut y arriver. Donc, on doit continuellement garder espoir. -Vous avez d'autres livres en chantier ? Oui, j'ai des publications en projet. J'ai d'ailleurs un roman qui est actuellement en chantier. Dans ce livre, je n'ai pas abordé les conflits familiaux, les peines et le chagrin qui peuvent en découler. Je veux parler d'un autre sujet qui a beaucoup marqué les Algériens durant la décennie noire qu'a traversé notre pays. Il s'agit, en fait, d'une histoire sur cette période sanglante dans l'histoire de notre Algérie.