Les coups les plus douloureux sont toujours ceux assénés par un frère. La normalisation des relations entre les Emirats arabes unis et Israël survient à l'un des moments les plus critiques de la cause palestinienne. Elle est menacée de liquidation pure et simple par le duo israélo-américain qui tente de changer toutes les références reposant sur le droit et la légitimité internationaux. La lutte du peuple palestinien, qui se poursuit depuis plus de 7 décennies, les centaines de milliers de martyrs et les millions de réfugiés vivant dans des conditions d'extrême précarité... tout cela pourrait ne servir à rien. La raison est à imputer à tous ces pays qui, depuis la fin des années 1940, ont instrumentalisé la cause palestinienne pour leurs seuls profits. La normalisation des relations des Emirats arabes unis avec l'occupant israélien n'est pas dangereuse en soit, car les relations entre les deux parties existent déjà depuis de longues années. Le danger vient du fait que cela pourrait inciter d'autres pays arabes à suivre l'exemple, ce qui détruirait ce qui reste du système arabe agonisant. Et comme les Palestiniens comptaient sur ce système, au nom de la fraternité arabo-musulmane, ils pourraient se retrouver d'ici peu sans aucun soutien. La politique de la droite israélienne reposant sur la marginalisation de la question palestinienne en faveur de la normalisation des relations avec les pays arabes commence à donner ses fruits de façon concrète. Cet accord et les autres qui vont suivre ne feront qu'encourager les Israéliens dans cette voie. Saeb Erekat, le secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine, conscient de ce danger, tout en essayant de retenir ses larmes, a dit sur les écrans de la chaîne qatarie Al Jazeera vendredi : «Je n'aurais jamais pensé que ce coup de poignard dans le dos proviendrait d'un pays arabe. Vous avez détruit, avec ce geste, toute possibilité de paix entre Palestiniens et Israéliens.» Oui, pourquoi faire la paix avec les Palestiniens alors qu'Israël occupe actuellement toute la Palestine historique, y compris la bande de Ghaza, qu'il contrôle également de par son siège étouffant auquel participe l'Egypte, dont le président a salué l'accord sous le prétexte qu'il pourrait servir le processus de paix. Abdelfatah Al Sissi ainsi que Bahreïn et Oman, qui ont salué l'accord «historique», ont eu droit aux remerciements du Premier ministre Benyamin Netanyahu. «Je remercie le président égyptien Al Sissi et les gouvernements d'Oman et de Bahreïn pour leur soutien à l'accord de paix historique entre Israël et les Emirats arabes unis, qui élargit le cercle de la paix et profite à toute la région», a tweeté vendredi le chef du gouvernement israélien. Finalement, les Palestiniens ont eux-mêmes, en raison de leur division, contribué à encourager des pays comme les Emirats à les ignorer. Ils se rendent compte aujourd'hui qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour arracher leurs droits. Ils ne peuvent le faire qu'en rétablissant leur unité sous une direction commune et une vision politique unifiée face aux grands défis qui les attendent. Toute autre voie ne mènerait qu'à une perte définitive des droits légitimes du peuple palestinien, et l'occupant pourrait réaliser son rêve du grand Israël avec la bénédiction des frères arabes et musulmans. Ghaza De notre correspondant Farès Chahine