Le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi, a apporté des éclaircissements utiles à propos du rôle de la commission gouvernementale chargée d'assister l'ANIE dans l'organisation du référendum sur la révision constitutionnelle prévu le 1er novembre prochain. Lors de son passage jeudi dernier dans l'émission «L'Invité de la rédaction», animée par Souhila El Hachemi sur la Chaîne 3, M. Charfi a précisé : «Il faut savoir que c'est à la demande du président de l'Autorité (l'ANIE, ndlr) que ce processus a été mis en place.» A une question de notre consœur qui l'interroge : «Est-ce que cette commission gouvernementale ne risque-t-elle pas d'hypothéquer l'indépendance de l'ANIE, qui est censée être totalement séparée du pouvoir exécutif», Mohamed Charfi répond qu'il s'agit uniquement d'une «assistance matérielle». «La quintessence de notre responsabilité, c'est de protéger le scrutin, la voix du peuple, le choix du peuple, c'est-à-dire protéger l'urne, permettre au peuple de faire un choix éclairé...» a-t-il souligné. Et d'ajouter : «Maintenant, concernant les conditions matérielles, par exemple l'isoloir, en quoi l'Autorité (l'ANIE) devient plus indépendante lorsqu'elle va acheter les isoloirs ou lorsqu'elle va apporter à manger à l'encadrement ou bien louer des taxis pour permettre aux gens de se déplacer ?!... Ce sont des aspects matériels qui absorbent l'énergie de l'Autorité.» D'après lui, le fait de déléguer ces aspects logistiques au gouvernement permettra à l'ANIE de «s'occuper réellement» de sa mission, à savoir «l'encadrement des bureaux de vote, le dépouillement, la construction de l'information électorale, son acheminement vers le siège de l'ANIE et du Conseil constitutionnel, la déclaration des résultats…» «C'est cela la quintessence de notre mission», insiste-t-il. «C'est le cœur de notre métier», appuie M. Charfi en plaidant pour une démarche qui emprunte au «management» des entreprises. Il a également défendu l'idée d'«externaliser les actions qui ne sont pas directement influentes sur notre mission». Neutralité du scrutin Revenant à la charge, la journaliste a relancé son invité du jour sur cette même question, en demandant si cette implication gouvernementale, même limitée, dans l'organisation matérielle du référendum, est réellement sans incidence en termes de «neutralité du scrutin». L'ancien ministre de la Justice s'est alors appesanti sur la place de l'ANIE dans le paysage institutionnel en expliquant : «Toute succession d'organisation nécessite une passation matérielle et une passation légale, à la fois des prérogatives et des moyens qui étaient dédiés à l'exercice de ces prérogatives. La loi le prévoit. Elle prévoit aussi que les cadres qui étaient en charge des élections dans l'ancien système, au moment des élections, soient placés sous l'autorité de l'ANIE. Cela ne veut pas dire qu'ils sont transférés. C'est pour permettre à l'ANIE de fonctionner de façon harmonieuse.» Et de lancer : «Vous savez, l'encadrement des bureaux de vote nécessite entre 600 000 et 800 000 nominations de cadres.» Il poursuit en indiquant que pour pouvoir contrôler parfaitement l'opération, il doit «bénéficier à la fois d'une partie de l'encadrement qui était en charge des élections, de faire les prospections nécessaires, de faire les sélections nécessaires...» «Et tout cela prend du temps et ne peut pas être effectué avec un amateurisme qui est plus dangereux pour la crédibilité et la sincérité du scrutin que l'isolement institutionnel. Comme je l'ai dit, nous sommes une institution de l'Etat algérien.» Le président de l'ANIE fait savoir au passage que «pour l'élection présidentielle, j'ai refusé tout contact avec les représentants du pouvoir exécutif». Pour revenir à cette commission gouvernementale, Mohamed Charfi répète que «le recours à cette externalisation de l'assistance matérielle – que j'espère consacrer dans la Constitution pour que tous les doutes soient levés – ne peut en aucun cas remettre en cause l'indépendance de l'ANIE». «C'est comme pour la magistrature. Lorsqu'elle bénéficie de l'assistance de l'Etat, cela ne veut pas dire que le juge n'est pas indépendant, quel que soit le degré de contribution des institutions administratives à l'exercice de ces prérogatives», argue-t-il. «L'administration n'interfère d'aucune façon dans le processus électoral ? Plus jamais ?» interroge Souhila El Hachemi. A quoi l'ancien garde des Sceaux rétorque : «Plus jamais ? Je ne peux pas prédire l'avenir. Mais tant que le système installé actuellement sur la base des engagements du président de la République (...), qui a affirmé le renforcement de l'Autorité nationale des élections et de son indépendance par rapport au pouvoir exécutif et même législatif, je pense qu'il ne peut jamais y avoir un retour sur cette question. Je pense que c'est la conviction de tout le monde que cela est dans l'intérêt même du pays.»