Le chef du gouvernement récemment intronisé, Hichem Mechichi, a promis, lors de son discours d'investiture devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), que son équipe sera celle des réalisations. Cela colle bien avec les aspirations du peuple, notamment les régions et les catégories sociales démunies, qui attendent encore les réalisations de la révolution, surtout après la parenthèse Covid-19. Toutefois, tout le monde s'interroge sur les moyens dont dispose ce gouvernement pour stabiliser, d'abord, la machine de production, avant d'entamer la reprise. C'est de cela que dépendront ses réalisations. S'il y a une chose sur laquelle tous les partis politiques sont d'accord, en Tunisie, c'est le diagnostic quasi noir de la situation socioéconomique et celle des finances publiques, surtout avec l'avènement du coronavirus. La machine économique a été quasiment bloquée durant deux mois, entraînant un PIB de -19% durant le 2e trimestre et prévoyant un PIB négatif de -6 % pour 2020, du jamais-vu en Tunisie. Cela se répercutera par une montée du chômage de 15 à 18%, ainsi qu'un recul considérable en termes d'investissement, malgré les efforts de la Banque centrale pour venir en aide aux entreprises en difficulté, afin de maintenir l'emploi. Des secteurs comme le tourisme, l'aérien, l'artisanat, la location de voitures, les agences de voyages, ainsi que d'autres activités annexes sont en pleine crise, après une saison très difficile. L'arrière-saison est encore très avare. L'impact de la Covid-19 se prolongera jusqu'à l'été 2021, selon les prévisions. Cela se traduirait en fermeture d'hôtels et d'entreprises. L'impact de la Covid-19 s'est par ailleurs propagé aux industries exportatrices tunisiennes, par une réduction de leurs carnets de commandes, vu la récession connue partout dans le monde. Du coup, à part les industries parapharmaceutiques, qui sont submergées de commandes, le reste roule au petit trot. Par ailleurs, l'Europe, principal client, prioritarise ses partenaires est-européens avant la Tunisie, comme ce fut le cas pour le tourisme, lors de l'ouverture des frontières. Cela sans parler des problèmes connus par les mines de phosphate de Gafsa et les gisements de pétrole de Tataouine, dont le travail tourne au ralenti depuis la chute de Ben Ali. En ce moment, le phosphate travaille. Mais, il y a un sit-in à Tataouine qui bloque l'extraction pétrolière, depuis juin dernier. Les gouvernements successifs, depuis 2011, ne sont pas parvenus à trouver des arrangements avec les jeunes chômeurs de ces zones déshéritées, faisant des requêtes inconcevables. Les protestataires de Tataouine veulent faire travailler 1500 jeunes dans le gisement d'El Kamour, alors que tout le gisement n'emploie que 600 personnes. Le problème est que le gouvernement Chahed a signé, en 2017, un accord pour faire travailler ces 1500 sur des étapes. C'est là un exemple de ce qu'attend l'équipe de compétences de Mechichi. Perspectives Ne suffisent pas les engagements, comme celui d'El Kamour, pris par les précédents gouvernements et qu'il faut gérer dans la logique de continuité de l'Etat, la centrale syndicale, l'UGTT, exige des augmentations salariales pour les employés de l'Etat. L'UGTT refuse le gel des salaires. En plus, et alors que le gouvernement préconise de limiter au maximum, les recrutements dans l'administration publique, l'ARP vient de décréter une loi offrant à tout diplômé, chômeur pendant 10 ans, une solution à son chômage. Les solutions préconisées jusque-là n'ont offert que des emplois dans la fonction publique, plombant davantage le budget de l'Etat. Tout le monde mise sur le génie créateur du nouveau ministre, en charge du pôle économique et financier, Ali Kooli, pour trouver des solutions à la question de l'emploi et de l'investissement. Mais, les perspectives restent très floues. Hichem Mechichi n'a pas été très bavard concernant les promesses socioéconomiques. Il est conscient que la situation est très difficile. Il a juste promis de contenir la chute des finances publiques durant les 18 prochains mois, afin d'espérer un début de redressement en 2022. Mais, la classe politique, obligée à lui voter la confiance, pour ne pas aller vers des législatives anticipées, va plutôt travailler à lui mettre des bâtons dans les roues, afin de montrer l'irrationalité des choix du président Saïed, qui est derrière le choix de Mechichi. Les partis politiques veulent décrédibiliser le Président devant l'opinion publique, lui qui est au sommet du satisfecit populaire. Ceci étant, le gouvernement de compétences n'aura pas les choses faciles. Les Tunisiens continueront, semble-t-il, à manger leur pain noir. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami