Le président de la chambre nationale agricole demande aux fellahs d'assainir le monde paysan de ses parasites et de ses fossoyeurs. La présence d'une délégation française indique que l'entrée en application de l'accord d'association permet déjà l'amorce d'un partenariat. A peine entériné par le Sénat, l'accord d'association avec l'Union européenne commence à pénétrer le mode rural habituellement hermétique à tout changement. C'est pourquoi la Chambre nationale d'agriculture et le ministère du secteur ont décidé d'entamer une campagne de sensibilisation de la paysannerie. Dans ce cadre a été organisée à la station de protection des végétaux de Mostaganem une rencontre qui sera coprésidée par Mohamed Cherif Ould El Hocine, tout nouveau président de l'organisation paysanne, et Amar Assebah, directeur central au ministère de l'Agriculture et membre du groupe de travail en vue de l'adhésion à l'OMC. Une appartenance qui lui vaudra de ne pas trop s'engager dans le débat et ce en vertu du devoir de réserve. C'est pourquoi son intervention sera essentiellement technique et informative sur les différentes étapes des négociations depuis le processus de Barcelone jusqu'à la toute récente ratification de l'accord avec l'UE que vient d'entériner le Sénat. Tout au long de son intervention, il s'évertuera à mettre en exergue l'aspect incontournable pour l'Algérie de suivre la même voie que les autres pays de la rive Sud qui, à l'exception de la Syrie, ont tous signé cet accord. L'assistance, composée des représentants des chambres agricoles de l'Ouest et du Sud- Ouest, des membres d'associations qui gravitent autour de l'activité agricole ainsi que de quelques exportateurs de légumes et fruits, aura toutes les peines à suivre le premier exposé qui s'adressait plutôt à un public d'initiés. Toutefois, lors de ses nombreuses interventions, le nouveau président de la Chambre nationale d'agriculture adoptera un langage plus direct, beaucoup plus proche des préoccupations des fellahs. C'est sans ambages que M. Ould Hocine demandera aux fellahs de se préparer à affronter de nouveaux défis. Après avoir rappelé les résultats encourageants du PNDA qui aura permis, selon ses propos, à l'activité agricole de gagner 427 000 ha et de faire culminer la surface irriguée à plus de 700 000 ha, le conférencier annoncera dans la foulée que l'arrêt de ce programme de soutien ne serait que temporaire. C'est pour permettre aux pouvoirs publics de faire une évaluation et corriger les erreurs que le PNDA a été suspendu, dira-t-il. Et d'ajouter qu'une seconde phase tout aussi avantageuse pour le monde rural serait en préparation. En ce qui concerne les hautes plaines steppiques, le président parlera d'une mise en défens qui aura touché plus de 2,7 millions d'hectares, soit plus de 10% de la superficie utile des Hauts-Plateaux. Concernant le nombre d'emplois créés dans le cadre de ce programme, le chiffre de 350 000 emplois permanents révélé par M. Ould Hocine est en total désaccord avec ceux du MADR qui fluctuent entre 680 000 et 800 000, selon les versions. Mais c'est lors du débat - qui permettra aux fellahs de faire part de leurs préoccupations et inquiétudes face à une ouverture du marché - que le président de la chambre agricole interpellera ses troupes, les invitant à assainir le monde paysan des ses parasites et de ses fossoyeurs. « Nous n'avons pas besoin de prédateurs dans nos rangs », dira-t-il. Et d'ajouter : « Les vrais fellahs sont capables de s'adapter, à condition que l'on nous laisse le temps. » Un temps qui s'avère pressant dans la mesure où dans la salle il y avait une délégation française composée de Christian Peyrot, Jean-Louis Salva et Marcel Omont, venus spécialement dans la région pour activer la mise en place du pont logistique Oran-Sète. Dans son intervention, Marcel Omont ne manquera pas de signaler à l'assistance que l'entrée en fonction de la société Logistique affrètement et transport d'Algérie (Latal), une compagnie de droit algérien dont le siège est à Oran, serait imminente. Elle permettrait aux agriculteurs et aux exportateurs de bénéficier d'un transport sous froid intégral de leurs produits depuis la parcelle jusqu'à la table du consommateur français. A l'intention d'El Watan, cet important transporteur précisera que, grâce au soutien de l'Etat français, les 5 entreprises qui composent la Latal pourront intervenir, y compris dans les champs, pour orienter les plans de culture des agriculteurs. Une manière de dire que malgré les lenteurs administratives pour régulariser la situation de leur entreprise - lenteurs dont la délégation française ne manquera pas de faire part aux deux responsables algériens présents à Mostaganem -, l'entrée en application de l'accord d'association est déjà effective. « Dans les prochains jours, nous dira Marcel Omont, des camions et des techniciens entameront une simulation grandeur nature d'une opération d'importation dans le strict respect des règles sanitaires en vigueur en France. » Les fellahs, qui ont écouté avec attention cette intervention, avaient d'autres soucis en tête. A l'exception d'un opérateur qui aura fait l'admiration des participants en exposant ses produits d'exportation, tous étaient unanimes pour dire que l'agriculture algérienne - malgré l'élégante étude comparative du représentant du MADR entre les dossiers tunisien, marocain et algérien qui bénéficieront respectivement de 37,39 et 91 produits admissibles sans droits de douanes et sans contingentement - n'était pas préparée à cette adhésion.