Après Tripoli, il y a 15 jours, c'est au tour de l'Est libyen de connaître, ces derniers jours, des manifestations populaires contre la détérioration de la qualité de vie en Libye. Longues ruptures d'électricité, cherté de la vie et absence de liquidités ont poussé les jeunes à descendre dans la rue pour protester. Le gouvernement de l'Est, de Abdallah Al Thani, a remis sa démission au président de l'Assemblée, Salah Aguila. Al Thani est chargé de gérer les affaires courantes. Abdallah Al Thani a été nommé, pendant l'été 2014, chef du gouvernement «intérimaire», par le Parlement, qui a émigré à Tobrouk, suite à la première bataille de Tripoli, entre Zentane et Misrata. La mission initiale était annoncée pour quelques semaines. Toutefois, l'ex-ministre de Défense est encore dans ses bureaux à Al Baidha, depuis six ans. Il est vrai que la division du gouvernement traduit les divisions inter-libyennes, entre l'Est et l'Ouest. Même l'accord de Sekhirat, du 17 décembre 2015, a accentué la division, en reconnaissant l'autorité du Conseil de l'Etat, formé d'ex-membres du Congrès national général, dont le mandat a expiré avec les élections du 25 juin 2014. Ainsi, l'accord de Sekhirat a légalisé l'existence de deux Chambres en Libye, le Parlement de Tobrouk et le Conseil de l'Etat. Il devient donc logique, aux normes libyennes, d'avoir deux gouvernements. Depuis le départ, le gouvernement Al Thani est censé gérer les affaires courantes. Ses prérogatives sont limitées, puisqu'il ne dispose pas de ressources budgétaires consistantes. Son action se limite donc à entretenir la vie quotidienne des citoyens. Mais, comme le blocage du pétrole, depuis janvier, a impacté la production de l'électricité, avec des ruptures dépassant les 18 heures par jour, le cours du dinar qui s'est déprécié de plus de 25% durant les trois derniers mois ; avec la propagation de la Covid-19, la situation des citoyens s'est davantage dégradée. Les citoyens ont fini par faire exploser leur colère, d'abord à Tripoli ; ensuite, dans l'Est libyen. L'état-major de l'armée de Haftar ne s'est pas opposé aux manifestants. Loin de là, Haftar a demandé à Al Thani de faire le nécessaire, pour améliorer le niveau de vie des citoyens. Al Thani a répliqué qu'il ne dispose pas de moyens pour agir. Il a démissionné et a été chargé de gérer les affaires courantes. Entre temps, l'Assemblée ne peut se réunir, faute de quorum, pour statuer sur cette démission. Avec Al Tahani, c'est l'intérimaire qui dure. Tractations La situation libyenne va de mal en pis pour les citoyens ordinaires. «Ils sont convaincus de devoir changer la première ligne de ceux qui les gouvernent. Mais, ce n'est pas facile, vu l'état actuel des choses, avec la multiplication des influences étrangères sur le pays», constate un ex-ministre du premier gouvernement de la révolution, qui préfère taire son nom, puisqu'il vit en Libye. Pour cet ex-ministre, «les négociations de Bouznika et Montreux ne peuvent aboutir, faute d'impact des négociateurs sur le terrain», regrette-t-il. Les Libyens sont conscients de la détérioration de leur situation quotidienne, très loin de ce qu'ils espéraient, en faisant chuter El Gueddafi en 2011. Ils ont investi la rue pour exprimer leur ras-le-bol, aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest et au Sud. Les autorités n'ont pas jugé utile de contrer agressivement ces manifestations, pour ne pas provoquer des troubles, puisque les requêtes sont très légitimes. Néanmoins, aucune suite n'a été donnée aux revendications. Et l'on attend un coup de messie pour faire bouger les choses à l'international. La crise libyenne semble s'éterniser. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami