Jamais la justice n'a fait preuve d'un tel arbitraire et d'une telle férocité dans une affaire que tout un chacun peut considérer comme banale. Un militant hirakiste de 52 ans, le nommé Yacine Mebarki, a été condamné jeudi par le tribunal de Khenchela à 10 ans de prison et à une amende de 1 milliard de centimes pour «offense aux préceptes de l'islam». Incroyable mais vrai ! Une telle sanction pour un délit d'opinion. Si délit il y a. Cela rappelle un peu ce magistrat qui a condamné à mort deux frères qui, lors d'une bagarre avec leur mère, avaient brûlé... un matelas. Depuis l'apparition du hirak, la justice, ou plutôt des magistrats se comportent de façon étrange. Ils emprisonnent et condamnent à tout bout de champ tous ceux que les services de sécurité leur présentent. On y trouve des jeunes qui ont manifesté pacifiquement leur rejet du système, des blogueurs qui ont défendu l'amazighité, des journalistes, des activistes. Jamais un islamiste n'a été arrêté. Ce durcissement de la répression a coïncidé avec l'apparition sur la scène politique d'une nébuleuse qui se fait appeler «novembria-badissia», dont personne ne connaît les animateurs en Algérie et qui aurait été suscitée par un courant influent au sein du pouvoir. Pour un fin connaisseur de la situation du pays, nos juges sont devenus complotistes, comme en Egypte où un climat liberticide a été instauré, surtout depuis la prise du pouvoir par le maréchal Al Sissi. L'instrumentalisation de la justice est devenue très visible, sans retenue. Le même comportement délétère s'est aussi manifesté par une lutte ouverte contre l'amazighité, un comportement que l'on n'a jamais observé avant l'arrivée de la «novembria-badissia». L'offensive est menée ouvertement par la mouvance islamiste, surtout Abdallah Djaballah, Abderrazak Makri et Abdelkader Bengrina, ce sont les mêmes qui, en 2016, ont fait campagne pour la Constitution qui accordait alors à Tamazigh le statut de langue officielle. Aujourd'hui, ils tournent totalement casaque. Avaient-ils à l'époque peur de Bouteflika qui, lui, n'y allait pas de main morte contre ceux qui osaient s'opposer à ses projets ? Leur courage d'aujourd'hui n'a d'égal que leur lâcheté d'hier. Il est vrai que le combat identitaire est surtout porteur de valeurs démocratiques, des concepts qu'abhorrent les islamistes qui ne se complaisent que dans une société vivant dans les ténèbres, «au nom de Dieu». Et pour cela, ils acceptent toutes les violations de la Constitution qui, dans son article 24, a consacré la liberté de conscience et d'opinion. Ils ont trouvé des complices de taille : des juges qui ne font pas la différence entre la liberté de la justice et la liberté des magistrats. Ce qui vaut à Yacine Mebarki la lourde peine. «C'est effrayant, a commenté Me Miloud Brahimi, je ne connais pas l'existence d'une loi qui permet une telle condamnation !» Advertisements