Annoncé comme un sérieux prétendant à la magistrature suprême dès le début de la campagne électorale, Abdelmadjid Tebboune a été élu hier au terme d'un scrutin contesté, qualifié par beaucoup de parodie, nouveau président de la République, selon les chiffres officiels annoncés par le président de l'Anie. Elu avec 58,15% des suffrages, soit 4 945 116 voix, Abdelmadjid Tebboune succède à Bouteflika dont il a été un fidèle serviteur, jurant, il n'y a pas si longtemps encore, que "son programme ne s'arrêtera jamais". Loin d'être, à vrai dire, une surprise, cette "intronisation" confirme ce que la vox populi avait prédit. Même si objectivement il est difficile de prouver le soutien du régime, il reste qu'au regard du contexte politique, il était difficile d'accorder des chances à un candidat se présentant en "indépendant", sans structure partisane qui le porte, très marqué politiquement par son parcours dans le système, dont l'âge et les déboires de certains de ses proches avec la justice constituent de sérieux handicaps. Avec cette intronisation, c'est probablement l'épilogue d'un plan dont les contours ont été esquissés par le nouveau président dès son arrivée au premier ministère en mai 2017 et sa décision d'engager la "guerre contre l'argent sale" et les entreprises ayant bénéficié illégalement de marchés publics. Présenté alors comme jouissant du soutien de l'armée, Abdelmadjid Tebboune engage un bras de fer contre l'"oligarchie". Après un voyage controversé en France où il rencontre en privé le Premier ministre français, Edouard Philippe, puis en Moldavie, il est limogé à son retour. Une mise à l'écart brutale qui lui fera gagner quelque sympathie auprès de l'opinion. Mais comme souvent en pareilles circonstances et pour les hommes du système, le retrait ne signifie nullement la retraite. C'est ainsi qu'après deux ans de silence, alors que le pays connaît des bouleversements, son nom est évoqué de nouveau, notamment depuis l'échec de l'élection présidentielle en juillet. Au-delà de ses liens présumés avec les cercles décideurs et du "coup de pouce" dont il a pu bénéficier auprès de l'administration, son accession pourrait signifier le "choix novembriste" du régime. Connaisseur des arcanes du pouvoir, il peut ainsi poursuivre la lutte contre la corruption, comme il l'a promis, et initier des réformes en douce sans bousculer l'establishment. Même s'il s'est présenté en indépendant, il peut contribuer, du poste qu'il occupera désormais, à reconstruire un FLN en débris. Avec Abdelkader Bengrina, représentant d'un islamisme soft, arrivé en seconde position grâce sans doute à une partie des réseaux dormants de la base islamiste, il peut reconstituer la sainte alliance "nationalo-islamiste", dont le prélude a été donné après l'intronisation de Slimane Chenine à la tête de l'Assemblée, et que certains "hirakistes" ont déclinée sous forme de "Badissia-novembria", opposée à l'esprit du Congrès de la Soummam et de la séparation du politique du militaire. Si Ali Benflis, trop ambitieux au goût des décideurs, dont les errements politiques, depuis qu'il a mené la "rébellion" en 2004 contre son ancien mentor, Bouteflika, ne présentait pas des gages de "loyauté" et a été sanctionné en conséquence, Azzedine Mihoubi, sans grande expérience politique, était handicapé par l'appareil de son parti, le RND, dont le SG est en prison et dont le parti est rejeté par le mouvement populaire. Quant à Abdelaziz Belaïd, sa présence tenait beaucoup plus à de la figuration d'autant qu'il a fait preuve durant ses sorties d'une grande indigence. À moins qu'elle ne procède d'une participation en perspective de reclassements futurs.