La regrettable désaffection des citoyens pour la chose politique ne date pas d'hier. Elle tire, depuis toujours, ses causes de l'inefficacité des partis, qui ne sont que, rarement, en accordance avec le peuple. L'atonie du débat public, quasiment absent, a favorisé l'émergence d'une classe politique qui a montré ses limites. En essayant de jouer sur plusieurs tableaux, elle s'est retrouvée entre deux chaises, ne contentant ni le peuple, avec lequel elle a pris ses distances, ni le pouvoir, intransigeant, qui ne tolère le rapprochement autrement que par l'allégeance. C'est ainsi que dans l'opinion le désintérêt gagne toute la sphère du collectif. Le repli sur soi, la volonté, affichée de l'accomplissement personnel ont achevé de considérer la politique comme un mur infranchissable. La dépolitisation s'est incrustée dans l'esprit des gens. Ce décrochage du citoyen a fait le lit d'individus peu regardants envers des exigences collectives. Le discrédit de la pratique politique vient aussi du fait que le citoyen, par expérience, déduit que ses soucis majeurs ne seront jamais résolus par des gens qui ont la tête ailleurs. L'adhésion collective suppose un attrait qui entraîne et rassemble. Notamment celui de la nation qui cimente la collectivité en perte de repères, de transmission des valeurs, de sentiment national. De fait, comme l'a écrit un éminent sociologue, «dans nos sociétés affectées par les crises et les maux, l'individu se sauve, mais le citoyen se perd.» D'où le risque de rompre le fil de la mémoire collective. Alors que l'ambition est grandiose de rebâtir l'Algérie sur de nouvelles bases, pour d'autres desseins, on constate, à nos dépens, «de vieux chevaux de retour», vilipendés par le peuple, lors de son sursaut salvateur, des laudateurs «zélés» du régime déchu s'accrocher au nouveau wagon, en se montrant plus visibles à travers des médias complaisants et de connivence pour nous asséner des discours réchauffés, qu'ils s'échinent à mettre au goût du jour. Le pays, trompé et exténué, n'est pas prêt à vivre la même triste et abominable expérience. Ces politiciens à la petite semaine, qui mentent effrontément, ressassent les mêmes messages, qui consistent en une pluie de formules passe-partout, emplis de démagogie, de langue de bois, tout en promesses, ne regardent jamais au-delà d'eux-mêmes. Oublient-ils qu'ils ont pris part au hold-up sur les générations futures ? Du bla bla cher aux professionnels de la cuisine politique, opportunistes, qui ont cette faculté d'être toujours là, au bon moment, au bon endroit. Disqualifiés, ils reviennent, sans honte, sur le devant de la scène. L'opinion publique, qu'ils ont méprisée, a pesé, à ses dépens, les dommages que ces «politiques» ont causés à la communauté. Leurs propos suscitent chez ceux qui veulent bien les écouter, au-delà du mépris, un bouillonnement de ruminations et de colères rentrées. En tout cas, comme le dit l'adage «Faire du neuf avec du vieux, ou avec du vieux, on ne fait pas du neuf», ne peut être, en aucun cas, à la hauteur du vaste projet envisagé, qui consiste, d'abord, à procéder à une rupture totale avec un passé récent, dont le traumatisme a ébranlé tous les Algériens. On croyait mourir pour la patrie, on a failli mourir pour des oligarques cupides... et des dirigeants véreux, qui ont presque emporté l'Etat dans leur vertige... et leurs forfaitures. Advertisements