Comédienne et réalisatrice française d'ascendance algérienne, Maïween a placé toute son âme dans son nouveau film, ADN, un long métrage qui affirme ses multiples facettes, autant artistiques que personnelles en lien avec l'Algérie. Hélas, en novembre, le film n'a pas été vu car sorti la veille du début de la fermeture complète des salles de cinéma en raison du confinement. Sa deuxième sortie, prévue, demain, aura aussi été annulée puisque le confinement est prolongé jusqu'en janvier. Si nous n'avons donc pas pu visionner le film, pour cause de la Covid-19, ce qu'elle en dit dans les nombreux entretiens dans la presse écrite et les médias restera comme un hymne vibrant à l'amour de l'Algérie en attendant que les circonstances permettent au film d'avoir enfin une vie sur les écrans. «ON PORTE NOS ANCÊTRES EN NOUS, MÊME SI ON NE LE SAIT PAS TOUJOURS» Dans Le Parisien elle répond ainsi au sujet d'un test ADN, titre de son film ! «Ce test faisait partie de ma quête identitaire. Avec les années, le besoin de connaître l'histoire de mes ancêtres s'est fait plus fort. On porte nos ancêtres en nous, même si on ne le sait pas toujours. Moi, par exemple, je suis assez engagée contre le racisme, alors que je n'en ai jamais été victime : je pense que cet engagement m'a été transmis par mes ancêtres, qui ont vécu la colonisation.» Cela a convaincu Maïween de faire beaucoup de recherches sur l'histoire de l'Algérie et de la relation coloniale. Libération en parlant du film écrit : «Est-ce que le code génétique doit nécessairement dicter le degré d'appartenance ressenti envers un pays ? Non, évidemment, répond le nouveau film ‘autobiofantasmatique' de Maïwenn (c'est elle qui le dit ainsi), sur le deuil de son grand-père algérien et sa quête des origines.» Au journaliste du Parisien qui lui parle du gène algérien qui fonctionne comme un gène dominant, elle explique : «Parce que c'est le gène de l'amour. Je n'ai jamais douté de l'amour de mes grands-parents. Aimer, pour moi, ça veut dire protéger, soutenir, caresser... C'étaient des choses que je n'avais pas avec mes parents, mais que j'avais avec mes grands-parents en Algérie. C'est là-bas, avec eux, que j'ai passé mes plus belles vacances quand j'étais petite. J'ai des souvenirs de chaleur, d'odeur, de nourriture, de rire, d'amour... Je veux me reconnecter à l'Algérie, parce que c'est ma madeleine de Proust. On choisit aussi son ADN : moi, j'ai décidé d'épouser l'Algérie, d'appartenir à l'Algérie.» Au point d'y aller souvent et on rappelle à ce sujet son engagement en 2019 lors des vendredis du hirak, autant en Algérie qu'en France. Coincée aujourd'hui à Paris, en raison de la fermeture de la frontière algérienne, elle avoue son amour pour le pays de son grand-père et de sa mère. «Je n'y suis pas allée depuis un an, mais sinon, oui. J'ai l'impression de rentrer chez moi, tout en étant étrangère, alors qu'en France, je ne me sens pas étrangère, mais pas autant chez moi.» «UNE QUÊTE EPERDUE VERS UNE ALGERIE QU'ELLE N'A JAMAIS CONNUE. VERS SON ADN» Le journal Les échos résume le film : «Une nuit, Emir meurt dans un Ehpad. La famille se précipite à son chevet. Beaucoup étaient restés proches de lui. D'autres s'étaient éloignés. Néanmoins, seul Emir savait rassembler ces gens qui portent le même nom sans n'avoir apparemment plus grand-chose à partager, ce clan de bric et de broc, éclaté par le temps passé. Ancien communiste, émigré d'Algérie, le patriarche emporte avec lui le dernier lien de la famille avec l'Afrique et tout un pan de l'histoire du XXe siècle. Neige (Maïwenn), l'aînée des petits-enfants, se lance alors dans une quête éperdue vers une Algérie qu'elle n'a jamais connue. Vers son ADN.» Lorsque le grand-père meurt, Maïween est dévastée. Elle s'en explique dans un entretien au magazine Elle : «J'étais tellement dévastée que mes projets me semblaient d'un autre monde. C'est une amie qui, au bout de plusieurs mois, m'a dit que ce n'était pas normal que je sois si abattue. Mon grand-père avait 93 ans, c'était dans l'ordre des choses qu'il meure. C'est là qu'a commencé une quête des origines assidue de deux ans, avec au bout l'envie de faire ce film.» ADN est le cinquième long-métrage de Maïwenn, et certainement le plus personnel. Née en 1976, elle avait débuté enfant dans un petit rôle qui lui avait valu déjà le césar du meilleur espoir féminin. LE NOM DE SON GRAND-PÈRE, BELKHODJA, TATOUé SUR SON AVANT-BRAS Elle s'appelle alors Maïweeen Le Besco, du nom de son père, qu'elle décline aujourd'hui, se contentant de son prénom. Avec l'envie, affirme-t-elle, de prendre le nom de famille de son grand-père (et de sa mère !) : Belkhodja. Dans un entretien, elle confiait par ailleurs : «Avec ma mère, j'avais l'impression que les immigrés devaient être discrets. Je trouve beau que la nouvelle génération veuille revendiquer et affirmer ses origines. Je me souviens du jour où ma mère a enlevé le H de Belkhodja. Non nom. Elle disait : ‘Cela fait moins arabe'. Cela m'a meurtrie. J'ai tatoué ce nom-là sur mon avant-bras. Au contraire, l'Algérie était omniprésente dans la maison de mes grands-parents, par la déco, les objets, la musique, les valeurs. Les Algériens ont le sens de la famille et l'hospitalité.» Dans un entretien au quotidien Le monde, elle se récuse pour autant d'avoir voulu un film autobiographique : «Parce que je le trouve réducteur et faux. (...) L'autobiographie n'existe pas au cinéma. Nous livrons forcément une autre vérité que le vécu puisque tout est retravaillé, malaxé à travers toutes les étapes de l'écriture, du montage, du tournage.» Reconnaissant malgré tout une quête ! «Plus je vieillissais, plus je prenais conscience qu'il manquait une case à ma construction psychique. Certes, je savais d'où je venais et je n'ai pas découvert l'Algérie avec la mort de mon grand-père. Enfant, j'y allais souvent. Mais je ne connaissais rien, en revanche, de l'histoire de mes deux pays, la France et l'Algérie, et de leurs liens. Au fond, j'étais une enfant d'immigrés mais je ne parvenais pas à analyser ce que cela signifiait et la façon dont cela se manifestait chez moi. Cette méconnaissance m'empêchait de comprendre à quel point j'étais héritière de cette histoire.» Lyon De notre correspondant Walid Mebarek Advertisements