La parole présidentielle à fort effet symbolique était-elle assez concrète pour les journalistes qui ont couvert l'événement ? Pourquoi le discours du président Emmanuel Macron, le 11 novembre dernier, anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, lors de l'entrée au Panthéon de l'écrivain Maurice Genevoix et des combattants de 14-18, n'a pas suscité un intérêt à la hauteur de la dimension qu'il portait de reconnaissance des soldats coloniaux ? Le message était pourtant aussi simple qu'empreint de solennité, dans un lieu majeur de gloire nationale. L'objet était d'honorer Ceux de 14, titre d'un livre de Maurice Genevois, de l'Académie française, soldat de la guerre de 14-18 et écrivain hors pair et émouvant de cette période, notamment et précisément dans son gros roman Ceux de 14. Qu'avait donc dit le président au moment de l'entrée de la seule dépouille de Maurice Genevois dans le palais de l'honneur suprême, devenu pour la France reconnaissante le temple (laïc) dédié aux grands hommes ? Emmanuel Macron a d'abord parlé en des termes bien évidemment destinés à saluer le courage et le patriotisme de cet homme de génie littéraire avant de vanter tous les soldats, «d'où qu'ils viennent», se nourrissant de «la fraternité qui unit ces hommes. Ils ne se connaissaient pas, mais se découvrent dans les tranchées un même amour de la patrie, un même goût de la liberté. Ils endurent l'horreur coude à coude, épaule contre épaule. Avec le même courage. Avec les mêmes peurs. D'où qu'ils viennent. Il n'y a plus là de distinction sociale, de différence. Face au chaos, juste des camarades. Alors, quand vient chaque soir le moment où «il faut que les vivants se retrouvent et se comptent», ils resserrent encore les rangs pour partager tout ce qu'il leur reste : ‘‘la chaleur de leur corps misérable'' ». «LEUR SACRIFICE DIT NOTRE DETTE ET NOS DEVOIRS» Le président français dresse ensuite une liste de noms, de célébrités françaises mortes au combat, «formant le cortège de braves qui entrent aujourd'hui au Panthéon», finissant sur le dernier poilu décédé, «Lazare Ponticelli, italien engagé dans la Légion étrangère, qui devint Français et fut le dernier de nos vétérans» puis Fernand Satouf, «natif de Beyrouth, engagé volontaire dans le deuxième régiment de zouaves à Alger». «Abdoulaye Yendiai, tirailleurs sénégalais». Et enfin, en une litanie sans noms précis mais émouvante : «Tous ces poilus venus de toutes nos provinces, de tous nos villages. Soldats de l'Armée noire et des Troupes coloniales, venus des départements d'Algérie, des protectorats de Tunisie et du Maroc, des colonies françaises d'Afrique, d'Inde et d'Indochine, ainsi que de nos Outre mers, par-delà l'Atlantique, l'Océan Indien et le Pacifique ». Et il finit par un «Ils sont là, tous». «Les voici qui arrivent par millions pour entrer sous ce dôme» (...) «Ecoutons la marche des morts de Notre-Dame-de-Lorette, de Verdun, du Vieil Armand et des Dardanelles. Tous se rassemblent et s'approchent». Et cette conclusion en guise d'ouverture jamais prononcée au plus haut de l'Etat : «Leur sacrifice dit notre dette et nos devoirs. ‘‘Il y avait moi parmi vous'' leur écrivit Genevoix.». Et le président d'en couronner son discours par un encourageant: «Il y avait nous parmi eux, déjà». Bien sûr, s'il fallait ajouter quelques éléments de compréhension de cette information, on dirait qu'Emmanuel Macron a bien pris garde d'englober les coloniaux dans l'ensemble des soldats venus de toute part et de France avant tout pour combattre contre l'Allemagne. On est cependant en droit de souligner que lors de cet hommage à «Ceux de 14», en cet endroit que la République hausse au niveau du sacré, les soldats de pays colonisés n'ont pas été oubliés de la ‘‘panthéonisation''. Cette première, exceptionnelle, marquera-t-elle les non dits du souvenir français, cinq ans après l'hommage de l'ancien président François Hollande à Douamont en 2016 lors de l'inauguration d'un mémorial ? Advertisements