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Mohammed Yacine Consultant spécialiste de l'employabilité et entrepreneuriat : «Nous avons juste aperçu le sommet de l'iceberg»
Publié dans El Watan le 26 - 04 - 2021

-La célébration de la Journée internationale du travail revêt cette année un cachet particulier puisqu'elle intervient après une année terrible marquée par la crise sanitaire. Que retenir de l'impact de cette crise sur l'emploi en Algérie ?
En effet, la crise sanitaire a eu des effets extrêmement négatifs sur le marché du travail d'une manière indirecte, mais surtout sur l'activité des entreprises de façon directe, notamment par la diminution de l'activité de certains secteurs, tels que l'automobile et l'arrêt complet pour d'autres, prenons comme exemple le tourisme. Bien évidemment, d'autres secteurs ont été touchés avec des degrés différents, pour plus de détails, je renvoie à la note de l'OIT de juin 2020 sur les effets de la crise sanitaire sur l'emploi et l'activité économique.
Cependant, je pense que les effets réels de la crise commencent juste à se faire sentir, puisque bon nombre d'entreprises ont libéré des employés, en plus du phénomène de gèle des recrutements, et cela pour deux principales raisons, la première c'est la diminution de l'activité de certains secteurs, la deuxième c'est la crise de confiance qui est ressentie dans le monde des affaires. Même si dans certains secteurs, les activités sont relativement maintenues à flot, tels que l'agroalimentaire et le pharma et dans les métiers transverses, notamment IT, les profils recherchés sont surtout des candidats avec une expertise et une expérience prouvée, ce qui constitue une très faible proportion des demandeurs d'emploi à absorber.
Rappelons aussi que l'économie nationale a dû faire face à la répercussion de la chute drastique des prix du pétrole, ce qui a compliqué davantage la situation pour le gouvernement algérien, puisque la banque mondiale avait annoncé, à l'approche du deuxième trimestre de 2020, un faible élan économique, au premier trimestre de 2020, avec une contraction de 3,9% de l'activité économique en glissement annuel, en cause, cette baisse est enregistrée suite au recul de la production dans différents secteurs, notamment les hydrocarbures avec -13,4%, et cela en dépit de la hausse des dépenses dans le budget. En somme, ce qu'il faut retenir, c'est qu'à ce jour, nous avons juste aperçu le sommet de l'iceberg, et que le challenge de l'emploi demeure, et qu'il faut redoubler d'efforts pour anticiper sur les effets chroniques à moyen et long termes.
-Existe-t-il des statistiques précises sur les pertes d'emploi enregistrées et les secteurs les plus touchés ?
Oui, il existe aujourd'hui différentes sources de données, et nous nous réjouissons des initiatives de collecte de données de terrain, faites que ce soit par les institutions publiques, notamment, par le biais du ministère du Travail, puisque d'après une enquête du ministère en charge des questions de l'emploi, des données préliminaires révèlent qu'environ 334 000 Algériens ont enregistré une baisse de leur nombre d'heures de travail, 53 000 se sont retrouvés au chômage de façon temporaire ou permanente et 180 000 ont subi des retards dans le paiement de leurs salaires. Le ministère du Commerce (le ministre du Commerce a présenté l'étude lancée par la CACI en collaboration avec l'entreprise Emploitic), de son côté, a indiqué que la crise actuelle est venue frapper de plein fouet le domaine des services.
Avec 74% des sociétés sondées qui ont gelé ou annulé leurs recrutements, ledit secteur a été le plus impacté, pour les entreprises du bâtiment, c'est 70% de recrutements annulés. Le secteur de l'industrie, quant à lui, a subi les effets de la crise sanitaire avec 52% de suspension ou de suppression d'embauche. En revanche, le secteur du commerce est touché à moindre mesure, puisque celui-ci se positionne comme le premier créateur d'emploi, et l'une des hypothèses de ce maintien de l'activité de commerce pourrait s'expliquer par le changement de la structure des dépenses des ménages, vu les contraintes à la consommation des services de tourisme, et surtout l'achat de véhicules neufs, ce qui est par contre dû à d'autres facteurs liés au cadrage des activités automobiles en Algérie.
Alors que 36% d'entre elles ont continué à stimuler la demande de main-d'œuvre et à booster leur chiffre d'affaires, en dépit de la crise. Toujours selon l'étude CACI/Emploitic, les métiers de l'informatique ainsi que les secteurs du commerce et de la distribution maintiennent leurs recrutements, respectivement à 39% et 33%. Tandis que plus de 38% des entreprises nationales prévoient une augmentation de leurs effectifs pour l'année 2021.
De son côté CARE (Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise) a également réalisé une étude sur l'impact de la pandémie sur le secteur économique, cette dernière fait ressortir un chiffre intéressant, puisque seulement de 26% des entreprises sondées déclarent pouvoir payer les congés de leurs employés encore en activité. Nous savons également que CAPC (Confédération algérienne du patronat citoyen) a diffusé un questionnaire en interne pour ses membres pour sonder l'impact de la pandémie, sur les activités des entreprises mais aussi sur les retombées sur le volet emploi, et il serait intéressant de consulter les chiffres ressortis de l'étude sur l'aspect des pertes d'emploi, mesures pour préserver les emplois restant et prévisions de recrutement.
En parallèle, le marché de l'emploi a fait face à une baisse de l'offre de main-d'œuvre, le nombre des demandeurs d'emploi chutant de 67 672 en janvier 2020 à 8579 en avril 2020, cependant, cette diminution du nombre de demande d'emploi en janvier est surtout due au confinement, quand les candidats ne pouvaient pas forcément se déplacer pour s'inscrire à l'ANEM, laquelle malheureusement dispose d'un service d'application mobile d'inscription en ligne, mais qui n'est pas assez connu, puisqu'on a constaté dans les agences de recrutement privées une augmentation du nombre de demandes d'emploi durant la même période. En effet, ces agences privées disposent d'un service en ligne et qui est surtout visible sur le net pour les demandeurs d'emploi. C'est vraiment encourageant, que différents acteurs de l'écosystème de l'emploi puissent produire des données terrain. Nous avons en mars 2020, via un article sur El Watan, insisté sur le fait que ces mêmes acteurs de l'écosystème, notamment, les associations d'entreprises, chambres de commerce, etc., doivent fournir de la data qui pourra orienter les politiques du gouvernement en matière non pas seulement d'emploi mais surtout d'employabilité.
-Y a-t-il des mesures d'urgence à prendre afin de limiter les dégâts sur un taux de chômage déjà très élevé ?
Il est crucial de prendre des mesures pour limiter les dégâts sur le taux de chômage, mais cela n'est pas suffisant, il faut avoir une attitude offensive au lieu de défensive, c'est-à-dire reconsidérer la question de l'emploi et l'employabilité en profondeur et en transversalité, puisque déjà les mécanismes en place, avant la pandémie, n'étaient pas optimum, et lorsqu' ils sont bien pensés, ils ne sont pas appliqués dans les meilleures dispositions.
A titre d'exemple, le challenge de la correspondance de la nomenclature des métiers de l'ANEM avec les intitulés des diplômes universitaires, en plus des intitulés des offres d'emploi ou de postes qui sont formulés et proposés par les entreprises, la différence de langage entre ces trois institutions, sans que ce soit la faute d'une partie vis-à-vis des autres, occasionne sur le système d'information de l'ANEM chargé du matching des offres/demandes d'emploi, nommé Wassit, un manque à gagner de 30% d'offres d'emploi qui ne trouvent pas d'acquéreurs à cause de différence de langage que ne reconnaît pas le système, sans parler des données sources des demandeurs d'emploi et des entreprises qui gagneraient à être mis à jour, puisque là aussi, on constate que près de 20% des coordonnées et statuts des candidats ne sont pas à jour. A titre d'exemple, un candidat inscrit comme étant demandeur d'emploi, ne l'est plus en vérité, puisque soit, il a été embauché, soit il a repris des études, soit il est dans l'informel, soit dans le meilleur des cas a lancé sa propre entreprise, et son statut n'est pas à jour, et il est comptabilisé comme étant demandeur d'emploi.
Donc, en résumé, l'une des premières mesures d'urgence, c'est l'axe de l'assainissement (fiabilisation des données) des outils d'aide à la décision et la digitalisation du fonctionnement de l'ANEM à travers son interconnexion avec les autres acteurs de l'écosystème, à savoir CNAS, CNRC, ANADE (ex- ANSEJ), etc. Le deuxième axe, c'est la formation-insertion, ce dispositif pilote déployé par l'OIT (Organisation Internationale du Travail) à travers le projet TAWDIF, a donné des résultats probants. Ce dispositif vise à collecter les besoins en compétences des entreprises, via des enquêtes déployées sur le terrain par l'ANEM, supportés par l'analyse du fichier des offres d'emploi en souffrance, qui ne trouvent pas de candidats, sur une période allant de 3 à 6 mois, à partir des thématiques de compétences, de programmes de formation de courte durée qui sont déployés (via MFEP et MESRS) aux candidats exigibles en collaboration avec les entreprises émettrices des offres d'emploi et qui accueillent les candidats en stages, au bout de trois mois, si les candidats démontrent les compétences et qualités requises, ils sont immédiatement recrutés. Ce dispositif formation-insertion a fourni des résultats de 40% de recrutement au bout de trois mois, et 70% de recrutement sur 6 mois.
Donc, ce dispositif gagnera à être dupliqué à l'échelle nationale. L'autre mesure d'urgence, c'est l'entrepreneuriat. Les activités d'encouragement à la création d'entreprises sont multiples et variées, partant du support de l'ANADE (ex- ANSEJ) en passant par les incubateurs de startups. Cependant, nous n'avons pas assez de recul pour constater les résultats sur le terrain, c'est pour cela qu'il faut prioriser le soutien à la création d'entreprises, notamment, dans les secteurs de la sous-traitance des entreprises déjà existantes et sur les produits et services qui consomment de la devise, en plus des projets liés aux infrastructures physiques ou numériques des institutions publiques, et qui nécessitent de la mise en capacité, et tout ça, en considérant les impératifs de développement durable et local. Vous allez me dire, qu'en est-il des mesures pour les entreprises déjà en activité. Pour ce segment, je vois deux principaux leviers : le premier c'est la recherche et développement, le deuxième, c'est l'export, il faudrait un autre article pour en parler en détail. Cependant, ce sont les mêmes challenges de transversalité et de fiabilité des données d'aide à la décision, sans oublier la nécessité d'opérer les politiques et orientations du gouvernement, en mode projet, pour évaluer au fur et à mesure les livrables et responsabiliser les personnes ressources quant à leurs capacités à créer de la valeur sur le terrain.
-Quelle analyse faites-vous sur la place du capital humain dans les politiques publiques ?
D'après les nombreux rapports de l'OIT, le capital humain est aujourd'hui le facteur-clé de succès numéro un de tout développement socio-économique, surtout la capacité d'anticiper les métiers de demain et commencer à former dessus. Cependant, je ne ressens pas sur le terrain que c'est une priorité absolue des acteurs de l'écosystème de l'emploi en Algérie, puisqu'on le constate d'un point de vue des budgets, même s'il y a la disposition de la taxe de formation et d'apprentissage de 2% qui donne la possibilité de les investir dans le capital humain, mais aussi, sur les thématiques de formations dispensées, qui ne sont pas en cohérence avec les enjeux de développement du nouveau modèle économique.
Même si, en effet, il y a les projets de création d'écoles spécialisées dans les métiers d'avenir, il faut également former tout de suite, et surtout, les personnes ressources des institutions publiques, qui constituent, il faut le dire, un goulot d'étranglement quant à la dynamique insufflée au plus haut niveau du gouvernement. Il est primordial de faire des bilans de compétences, dans chaque institution, afin d'identifier les personnes compétentes qui sont en mesure d'accompagner les acteurs socio-économiques avec dynamisme, professionnalisme et avec la même perception de l'échelle du temps.

Propos recueillis par Nadjia Bouaricha
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