Considéré comme le symbole de la mort et de la renaissance, l'escargot, dont certaines espèces sont comestibles sous d'autres cieux, est devenu la hantise des agriculteurs de la vallée de la Soummam. Une véritable malédiction, tant sa prolifération a atteint une ampleur hallucinante. «Nous sommes confrontés à une invasion sans précédent de colonies d'escargots. Comme si nous n'avions pas assez de tracas avec les autres ravageurs et les innombrables maladies cryptogamiques des plantes. Cette saison de printemps, la multiplication de ces gastéropodes est telle que toutes les méthodes de lutte mises à l'épreuve se sont avérées insuffisantes pour en venir à bout. On a même essayé certains procédés artisanaux, comme la pulvérisation de l'eau savonneuse. Les résultats se sont révélés tout aussi décevants», dira, désemparé, un maraîcher d'Ouzellaguen. Dans la plupart des vergers, des maraîchages et des jardins potagers visités, il y a plus d'escargots que l'on pouvait en compter. Ce satané limaçon a colonisé tous les espaces. Des grappes d'escargots de différentes tailles s'immobilisent sur les plantes herbacées, se figent sur les troncs d'arbres et les tiges des plantes potagères, se fixent sur les tuteurs des légumineuses ou se planquent sous le feuillage. Repliés durant toute la journée dans leurs coquilles fermées par un opercule, ces invertébrés herbivores se réveillent de leur torpeur la nuit venue. Profitant de la moiteur nocturne, ils s'attaquent aux feuilles tendres et aux jeunes pousses, qu'ils dévorent goulûment. «En dépit de leur présence massive, on ne soupçonne pas forcément l'action des escargots dans les dégâts infligés aux plantes potagères, tant les ravageurs sont nombreux et, parfois, invisibles. L'épandage de certains insecticides à large spectre a montré ses limites. Je l'ai appris à mes dépens», relève un fellah de Seddouk, cultivant un lopin de terre à un jet de pierre de la Soummam. Exploitant un jardin potager, un citoyen du village Biziou, dans la commune d'Amalou, affirme que sa récolte risque d'être sérieusement impactée par l'action néfaste de ce gastéropode à coquille. «A la fin de l'hiver, j'ai pris soin de labourer le sol pour réduire, autant que possible, l'éclosion des œufs de ce limaçon. Sans résultat tangible. Je n'ai pas voulu faire usage des produits chimiques qui, non seulement risquent d'attenter à la faune auxiliaire comme le carabe et l'abeille, mais vont aussi contribuer à pervertir la qualité de mes légumes», a-t-il déclaré en substance. Et d'enchaîner : «On devrait plutôt innover dans la lutte biologique et les solutions écolos pour prétendre avoir des produits bio et un environnement sain». Certains maraîchers ont souligné la difficulté de trouver sur le marché local un traitement sélectif qui puisse éliminer l'intrus, tout en préservant la faune auxiliaire et l'environnement. A se fier à des avis autorisés, cette croissance spectaculaire et inédite des populations d'escargots serait la résultante de la perturbation de la chaîne alimentaire. On estime qu'il y a, au mieux, un déséquilibre et, au pire, une rupture pure et simple de cette chaîne trophique. «La relation de cause à effet est indéniable entre l'augmentation des populations d'escargots et la diminution, voire la disparition de ces prédateurs naturels, comme les batraciens et le hérisson», explique un spécialiste en génie de l'environnement. Comme un malheur n'arrive jamais seul, les paysans disent faire face à une prolifération tout aussi invasive du puceron, sous ses différentes déclinaisons de couleurs. Ce ravageur, dont la présence est trahie par la fumagine, se nourrit de la sève des végétaux qu'il colonise. Le cycle de la plante s'en trouve perturbé et la production tirée vers le bas. Advertisements