« Le débat sur l'enseignement de la langue arabe est un débat éculé. Je trouve logique et incontestable le fait d'enseigner en langue arabe. Personnellement, je défends l'identité algérienne. Toutefois, j'essaye de former des élèves bilingues parfaits, des élèves qui pourront s'épanouir dans toutes les langues », a indiqué Mme Benmoussa, responsable d'une école privée, qui se dit sereine par rapport aux propos tenus par le président de la République. Ce dernier, rappelons-le, avait déclaré, en marge des travaux de la conférence des ministres de l'Education de l'Union africaine, que « les établissements privés qui ne se conforment pas à la loi sont appelés à disparaître ». Il a indiqué, en outre, que « la langue arabe reste la langue nationale et officielle et les établissements qui ne tiennent pas compte de cet élément se verront retirer l'agrément ». Mme Benmoussa, quant à elle, estime avoir réglé ce problème. « A titre d'exemple, en France, dira-t-elle, la première langue d'enseignement dans les écoles privées reste le français et non pas l'anglais. » Notre interlocutrice, qui a créé sa première école en 1991, ne manquera pas de dire que son établissement enseigne toutes les matières dans les deux langues. Il suffit tout simplement de s'organiser et de bien planifier son programme », dira encore notre interlocutrice. « La première année primaire, explique-t-elle, est consacrée à l'apprentissage des deux langues. L'enseignement de l'arabe s'appuie sur le programme national alors que celui du français se réfère aux ouvrages. A la fin de la 2e année primaire, les matières scientifiques sont enseignées dans les deux langues. » Si ce principe est appliqué par plusieurs écoles privées, d'autres, par contre, réfutent cette démarche qui, de leur avis, encombre et fatigue les élèves. « C'est incontestable, la langue arabe est la langue nationale que nous enseignons dans notre cursus, mais j'estime que les matières scientifiques doivent être enseignées en langue française d'autant plus qu'à l'université, les étudiants sont appelés à étudier la quasi-totalité des matières en langue française », a affirmé une directrice d'école privée qui a requis l'anonymat. Cette dernière estime qu'il est difficile de basculer, sans transition, d'un système à un autre. « Nous enseignons 12 heures de langue arabe en plus de l'histoire et de la géographie. Le même volume horaire est consacré à la langue française en plus des matières d'éveil, à savoir le dessin, la musique et le sport. J'ai toujours considéré la langue arabe comme étant une langue littéraire et les matières scientifiques doivent se faire en langue française », dira une autre directrice qui relève que l'Algérien de demain est celui qui parle toutes les langues. « Nous n'avons pas le droit de jouer avec l'avenir des enfants. Nous avons assez joué avec les générations anciennes. Nous avons d'excellents enseignants algériens qui ont pour charge une classe qui ne dépasse pas les 20 élèves. Ces éducateurs sont très bien rémunérés contrairement à l'école publique qui a, en quelques sorte, failli dans sa mission », dira notre interlocutrice. Par ailleurs, un problème commun a été soulevé par la majorité des directrices des institutions privées que nous avons contactées. Il s'agit du cahier des charges considéré comme obsolète et classique. « On nous demande dans l'immédiat de s'aligner sur les écoles publiques, on nous oblige à enseigner toutes les matières en langue arabe, à retirer le cahier des charges... et des menaces. Il est impossible de régler ce genre de problème tout de suite. Le ministre de l'Education doit engager un dialogue sérieux et doit écouter les propositions des concernés, notamment la question du cahier des charges », a souligné une autre directrice d'un établissement privé. Mme Benmoussa, contrairement à d'autres responsables, compte retirer le cahier des charges dont elle conteste toutefois le contenu, mais elle n'a pas le choix, c'est cela ou la fermeture. « Il fallait, dira-t-elle, refuser au départ ce cahier des charges. Nous n'avons pas été associés à son élaboration, mais devant le fait accompli, nous n'avons plus le choix. Nous sommes dans l'obligation de l'accepter pour pouvoir obtenir notre agrément, mais nous nous battrons pour changer son contenu, car certains points ne nous arrangent pas », dira encore Mme Benmoussa qui estime que les responsables des écoles privées doivent s'organiser pour faire face à cette problématique. « Nous ne sommes pas une boîte à sous. Une école est un projet qui reflète sa façon d'être. On nous qualifie d'antinationalistes et de personnes très riches. Eh bien non !! Nous déboursons des sommes colossales pour le bon fonctionnement de nos établissements. Autre chose, on nous impose un cahier des charges que nous sommes dans l'obligation d'accepter, mais en échange nous n'avons rien ni subvention ni locaux » , dira une autre directrice qui préfère abandonner son projet que de retirer le cahier des charges tel que conçu. « Nous allons nous battre, nous envisageons d'imposer notre point de vue. Toutefois, si le ministère campe sur ses positions, personnellement je fermerai mon école », a soutenu une autre responsable qui ne manquera pas d'ajouter : « Le ministre de l'Education nationale refuse d'ouvrir le dialogue sur ce sujet. » Il ressort clairement des différentes déclarations que ce n'est pas la question de l'enseignement en langue arabe qui pose le plus problème, mais ce sont bien les clauses contenues dans le cahier des charges qui posent problème au point que certains établissements risquent tout simplement de mettre la clef sous le paillasson.