L'enquête, dont le rapport est inédit du fait qu'il n'a pas encore été présenté à l'opinion publique (confinement oblige), mais dont nous avons pu obtenir une copie, a été menée sous la houlette du Dr Kaddouri Cherifa, médecin spécialiste en épidémiologie et médecine préventive. Dans ce rapport, donc, il a été question d'évaluer l'impact de la Covid-19 sur les Personnes vivant avec le VIH (PVVIH) en Algérie, et ce, durant le mois de décembre de l'année 2020. Le rapport indique que l'urgence sanitaire et la mobilisation des services de santé pour faire face à la demande «ont engendré des répercussions majeures sur l'offre de soins qui se retrouve souvent altérée, voire insuffisante», avant de préciser que les mesures visant à limiter la propagation du coronavirus, (distanciation sociale, confinement, couvre-feu, etc.), ont entraîné a contrario «de grandes difficultés en termes d'accès aux soins et aux médicaments, mais aussi sur d'autres aspects psycho-sociaux de la vie». Il va sans dire que ces répercussions peuvent être d'autant plus importantes chez les populations à besoins spécifiques, notamment les personnes vivant avec le VIH, «qui constituent des populations vulnérables, vivant parfois dans des conditions particulièrement précaires et nécessitant un accès régulier aux soins et aux médicaments, mais aussi à d'autres mesures d'accompagnement psycho-social». Cette situation a été exacerbée par l'avènement de la Covid-19, puisque toutes les structures de santé ainsi que le personnel soignant ont été mobilisés dans la lutte contre la pandémie, ce qui a engendré des difficultés supplémentaires en matière de lutte contre le VIH. Cela est confirmé dans le rapport par le Dr Boukhari Youssef, directeur de la prévention à la Direction de la santé et de la population (DSP) d'Oran, qui témoigne de la crise sans précédent vécue par le personnel de la santé et dans les structures de soins, qui ont mobilisé toutes leurs ressources pour répondre à l'urgence de la pandémie, «ce qui a entraîné une saturation et un dépassement des services de soins». Le Dr Zaoui Farouk, médecin spécialiste en maladies infectieuses et maître-assistant au service des maladies infectieuses du Centre hospitalo-universitaire d'Oran (siège du centre de traitement de référence CDR d'Oran), lui aussi interrogé dans le rapport, abonde dans le ce sens en déplorant la fermeture des unités de prise en charge des personnes vivant avec le VIH, «puisque les centres de traitement de références CDR étaient dédiés à la prise en charge de la Covid-19, ce qui a entraîné des difficultés dans le suivi des PVVIH et des reports de leurs dates de rendez-vous». De plus, ajoute Bourouba Othmane, président de l'association «Aids Algérie», «cette situation a été majorée par les mesures de confinement et de limitation de la circulation de la population, instaurées dans le territoire national» ; il souligne également l'incapacité des PVVIH à circuler durant cette période pour se rendre aux Centre de référence pour la prise en charge de l'infection VIH/sida (CDR qui sont pour la plupart à caractère régional), «afin d'assurer leur suivi médical et l'approvisionnement en traitement antirétroviral (ARV)». De ce fait, peut-on constater, les actions de lutte contre le VIH connaissent de grandes difficultés pendant cette période de pandémie, d'autant plus que le Comité national de lutte et de protection contre le VIH/Sida (CNLPS) n'était pas fonctionnel durant cette période, ajoute Bourouba Othmane, soulignant que les associations de lutte contre le VIH «se sont trouvées dans l'obligation de s'adapter à ce contexte particulier, en innovant et en déployant des initiatives personnelles avec leurs propres moyens afin de répondre aux besoins de leur population cible». Dans cette étude, le rapport indique qu'un total de 100 personnes volontaires vivant avec le VIH ont été questionnées. La majorité d'entre elles étaient de sexe féminin (55% contre 45%) avec une moyenne d'âge était aux alentours de 36 ans. Les personnes interrogées résidaient dans différentes villes du pays avec une prédominance pour Oran, mais aussi Mascara, Relizane et Tissemsilt, et la plupart d'entre elles se faisaient traiter dans le Centre de traitement de référence d'Oran ou celui d'Alger. Aussi, pour ce qui est de l'accès au traitement Antirétroviral ARV depuis la crise sanitaire de la Covid-19, le rapport indique que «seulement 59% des répondants déclaraient ne pas avoir de difficultés pour se procurer les ARV», précisant que ces chiffres «sont inférieurs aux taux visés par le plan national stratégique de lutte contre les IST/VIH/SIDA 2020-2024», puisque 90% des PVVIH devraient être sous traitement «et ce afin de rejoindre la stratégie mondiale de l'OMS et de l'Onusida visant à mettre fin à l'épidémie du sida d'ici 2030» Cependant, ajoute le rapport, «il faut noter que ce service a été assuré dans près de 89% des cas par les associations sur le terrain, qui ont veillé à un acheminement régulier du traitement ARV aux PVVIH dans le besoin et ayant des difficultés à se déplacer, et ce, malgré les contraintes du moment». Selon les personnes interrogées, on apprendra, dit le rapport, que les principaux obstacles empêchant l'accès au traitement antirétroviral étaient en premier lieu «la difficulté liée au confinement, à la distance et au couvre-feu» ; mais aussi à «l'impossibilité d'accès au Centre de traitement de référence CDR», «la peur de la Covid» ; et enfin «la pénurie de traitement». «Il faut noter aussi que seulement 30% des participants avaient leur CDR dans leur ville de résidence, ce qui explique les résultats sus-trouvés, puisque la difficulté liée au confinement, à la distance et au couvre-feu était citée comme le principal obstacle à l'accès aux ARV», précise le rapport qui ajoute que «ce facteur a un retentissement direct sur le déplacement et la mobilité des individus pour se procurer le traitement ou bien pour assurer un suivi régulier au niveau du CDR puisque la circulation et les transports intra et inter-wilayas étaient réduits lors de la mise en place du confinement et du couvre-feu». On apprendra aussi que durant la période précédant la pandémie, la visite au CDR se faisait dans la majorité des cas tous les 3 mois, et seulement 2% des PVVIH ne faisaient aucun contrôle au CDR. Ce délai, déplore le rapport, «a été perturbé et allongé depuis la pandémie de la Covid-19 dans 34% des cas, ce qui traduit l'impact négatif de la crise de la Covid-19 sur le suivi clinique des PVVIH, en termes d'accès aux CDR et au suivi et soins requis pour une prise en charge optimale». Lors de cette étude, on apprendra que 26% des personnes interrogées avaient déclaré avoir contracté la Covid-19, «parmi elles seulement 46% ont bénéficié d'un diagnostic gratuit, 27% ont trouvé de l'aide auprès des associations, 15% ont eu recours à des diagnostics payants et 12% n'avaient aucun accès aux tests diagnostiques». Le rapport dit également que 23% de ces patients n'ont pas pu être pris en charge, «soit par manque de moyens, ou bien par manque de places dans les structures de santé», avant de conclure que ces aspects-là «gagneraient à être corrigés dans le but d'accompagner les PVVIH qui constituent une population plus vulnérable et immunodéprimée que la population générale, et donc de ce fait nécessitant une attention particulière vis-à-vis du risque lié au coronavirus». En guise de conclusion, le rapport informe que «l'accès aux soins et médicaments reste de loin la première préoccupation des PVVIH durant cette période particulière (89,1%) et représente un point focal qu'il faudra assurer et renforcer», avant de relever un point positif en termes d'effort et d'initiative du milieu associatif : «L'approvisionnement du traitement ARV durant cette période particulière a été assuré en grande majorité par les associations sur le terrain qui ont engagé des plaidoyers auprès des tutelles afin de répondre aux besoins de leur population cible pendant cette crise. Ces organismes qu'il faudra renforcer afin d'optimiser leurs actions vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH, en termes de soutien par les pairs, de mise à la disposition d'une ligne d'écoute pour les PVVIH, d'appui psycho-social et d'autres mesures d'accompagnement. Ceci s'inscrit dans le but global d'améliorer la prise en charge et la qualité de vie des PVVIH, ce qui nécessite une collaboration de ces organisations entre elles, mais aussi avec les structures de santé et le personnel soignant». Advertisements