Jeudi dernier, dans la salle de conférences de la bibliothèque principale Assia Djebar de Tipasa, le moudjahid Mohamed Ghafir avait achevé son marathon sur les rencontres-débats inhérentes à l'événement sanglant du 17 Octobre 1961 à Paris. L'une des étapes de la lutte menée par le peuple algérien, afin d'arracher son Indépendance. La particularité cette fois-ci à Tipasa, c'est le fait que le moudjahid conférencier avait révélé la publication de son ouvrage de plus de 600 pages, traduit en arabe, grâce à la prise en charge financière du ministère des Moudjahidine. Le livre de l'auteur Mohamed Ghafir, intitulé Droit d'évocation et de souvenance sur le 17 octobre 1961 à Paris, a été édité quatre fois, enrichi et complété par de précieux documents officiels, articles de presse et de photos. Par ailleurs, Moh Clichy avait déjà édité un livre sur cet événement en braille. Pourquoi la commémoration du 60e anniversaire de cette manifestation a eu un grand effet à travers le pays ? «L'émigration a joué un important rôle durant la guerre de libération nationale, c'est un fait historique qui avait été renié depuis l'indépendance, malheureusement», nous dira Moh Clichy. Notre interlocuteur insiste pour rappeler les faits chronologiques, ayant marqué le combat mené par l'émigration. Il entame sa discussion par la création de la formation politique en 1926 en France, l'ENA (Etoile nord-africaine), qui avait à sa tête l'Emir Khaled. Après son arrestation, Messali Hadj lui succède. La dissolution de ce parti politique au mois de janvier 1937 a été décidée par le Front populaire de Léon Blum. La création et l'agrément du PPA (Parti du peuple algérien) a été autorisée le 11 mars 1937 par les dirigeants de la France coloniale. Il sera dissout au mois de septembre 1939. Le PPA active dans la clandestinité. Il a été à l'origine de la manifestation sanglante et atroce du mois de mai 1945. L'impact de cette manifestation courageuse du peuple algérien a été propagé dans les pays de tous les continents de la planète. L'acte osé des Algériens a contraint le général de Gaulle à reconnaître en 1946, un autre parti politique, le MTLD (mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Des militants algériens décident de créer au mois de février 1947, un mouvement armé clandestin l'OS (Organisation spéciale), avec à sa tête Mohamed Belouizdad. Celle-ci a enregistré une succession de responsables jusqu'à l'arrivée de Ben Bella Ahmed. «L'enfant de Maghnia a été arrêté en 1950, aussitôt les autorités françaises avaient procédé à l'arrestation et l'emprisonnement de 454 militants, nous révèle Moh Clichy, le compte-rendu de la police sur les déclarations de Ben-Bella a été remis par un policier à Benkhedda Benyoucef. L'emprisonnement des cadres de l'OS variait entre 4 et 5 ans, d'ailleurs Abane Ramdane a quitté la prison le 19 janvier 1955.» Lors de la réunion des «Six», selon les propos de notre interlocuteur, Didouche Mourad avait lancé l'idée de la participation des émigrés au financement de la Révolution, en raison des moyens dérisoires disponibles avant le déclenchement de la lutte. Mohamed Boudiaf a chargé le militant Mourad Terbouche pour entamer le recrutement des émigrés engagés pour la libération de l'Algérie. Le conflit entre les messalistes et les militants du FLN en France avait été abordé. Le communiqué du CCE (Comité de coordination et d'exécution) à l'issue du Congrès de la Soummam avait conforté l'émigration et a mis l'accent sur les actions que doit mener la Fédération FLN en France. «Les messalistes, les berbéristes et les contre-révolutionnaires doivent être éliminés selon les instructions qui émanaient des responsables du FLN», nous dit-il. La Fédération FLN a pu quadriller les régions en France pour structurer les militants au sein de 10 paliers. «Je ne vais pas m'étaler sur tous les détails. Sachez que la dissolution de la Fédération FLN en France dès l'Indépendance de notre pays, avait été décidée par Ahmed Ben Bella. Ferhat Abbès, président de la 1re Assemblée nationale, a refusé d'appliquer l'instruction du chef du bureau politique (Ahmed Ben Bella, ndlr), justifiant que l'institution qu'il dirige ne peut pas entériner une décision prise dans un cinéma. L'ex-Président Ben Bella a même envoyé des contingents en France, sous la bannière de militants de soutien au bureau politique du FLN, afin de discréditer la Fédération FLN en France, en créant un système de régionalisme entre les émigrés kabyles et les émigrés arabes, cette usurpation du pouvoir par Ben Bella a causé des conflits en France entre les algériens», nous précise le moudjahid Mohamed Ghafir. Moh Clichy, du haut de ses 88 ans, voulait se libérer à travers ses déclarations, sachant que le Président Boudiaf, dès son retour à la tête du pays, a réhabilité le rôle de l'émigration algérienne. A présent, en ce mois d'octobre 2021, Moh Clichy a apprécié les actions de réhabilitation du sacrifice des émigrés algériens durant la guerre de Libération nationale, menées par les hautes autorités du pays. Il est soucieux sur l'écriture de l'Histoire authentique de l'Algérie. Je ne vous ai parlé que des faits authentiques, en mettant les points sur les «i», sur le combat de l'émigration algérienne, et désigner ces responsables algériens qui sont à l'origine de l'occultation de la manifestation du 17 octobre 1961. «C'est l'histoire de notre pays, le peuple a le droit de tout savoir. Mon livre traduit en arabe constitue un grand acquis, j'espère qu'il y aura d'autres témoignages», conclut-il. Advertisements