C'est dans l'immense salle de conférence du CFPA de Cherchell que le moudjahid Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, de la Fédération de France du FLN, dont il fut responsable de la région Nord de France entre 1956 à 1962, a animé une conférence en présence de plusieurs moudjahidine et d'un public local fourni. Il convient de préciser que cet événement a été initié par l'association Café littéraire de Cherchell, où un public nombreux fut convié. Le moudjahid Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, de la fédération de France du FLN, a présenté à l'assistance son livre intitulé Droit d'évocation et de souvenance édité à l'occasion du cinquantenaire de la manifestation pacifique du 17 Octobre 1961 à Paris. Dans son ouvrage, l'auteur évoque des faits historiques relatifs à cette manifestation pacifique historique des Algériens pour l'indépendance de leur pays qui avait été réprimée dans le sang. Le conférencier dira à ce propos que «le 31 octobre 1961 dans un appartement au square Montesquieu à Bagneux, on était avec d'autres militants pour tenir une réunion du FLN sud-parisien, afin de faire le bilan des massacres du 17 Octobre 1961. La réunion avait été brutalement interrompue par des agents de la DST». Le moudjahid Mohamed Ghafir, dans son réquisitoire, a tenu à rappeler que «sur le boulevard Bonne-Nouvelle, au pont de Neuilly, au Pont-Neuf d'Argenteuil et dans bien d'autres lieux de Paris, les policiers français avaient tiré sur les manifestants, sur les ponts aux portes de Paris et sur le pont Saint-Michel, des hommes ont été précipités dans la Seine, morts ou agonisants, à l'instar de la collégienne Bedar Fatima, assassinée par la police française le 17 octobre 1961». Et à l'orateur d'enchaîner : «Pendant trop longtemps, beaucoup de Français ont ignoré qu'une manifestation d'Algériens avait eu lieu en ce 17 octobre 1961 à Paris et qu'elle avait été réprimée dans le sang, par les forces coloniales.» Le moudjahid Mohamed Ghafir dira également que «la France doit regarder en face son passé colonial et les forfaits qui l'ont accompagné. La France devra reconnaître ce crime d'Etat, en mettant la lumière sur ce drame et en débattant de son passé colonial». Lors de cette conférence, l'auteur a évoqué les déclarations du général Giap, le vainqueur de Diên Biên Phu, au sujet des événements d'Octobre 1961 qui disait que «c'est la première fois dans l'histoire des peuples qui luttent pour leur indépendance que le colonisé a porté la guerre sur le sol du colonisateur». Faits et documents à l'appui, le conférencier a déclaré que «la communauté nationale algérienne à l'étranger a accompli avec succès la tâche d'ouvrir un second front en portant le combat militaire et, surtout, financier et politique dans le repaire de l'ennemi». Quant au financement versé par les émigrés, il dira qu'il était à hauteur de 80% du budget de l'ALN versé par l'émigration. M. Ghafir démontre «le génie des chefs du FLN, à l'instar de Abane Ramdane et de Boudiaf, qui avaient décidé de se battre contre l'ennemi, beaucoup plus supérieur à tous points de vue, dans son propre carré» en révélant que «le contexte dans lequel a été amorcé le déclenchement de cette opération par un groupe restreint de jeunes révolutionnaires fut, malgré la terreur de l'ordre établi imposé par le colonisateur, un grand événement». Le conférencier ne manquera pas de rappeler que «l'émergence du Mouvement national, depuis la naissance de l'Etoile nord-africaine, créée le 20 juin 1926 à Paris, s'est faite sur les bords de la Seine, en tentant de restituer le rôle essentiel joué par la communauté algérienne établie en France dans le processus fait d'actes de bravoure et de drames ayant pour résultat l'indépendance du pays». Le conférencier révélera dans son exposé les principaux événements politiques enregistrés en France par les militants de la cause nationale jusqu'au 17 Octobre 1961, «un événement qui a ébranlé les certitudes des partisans de l'Algérie française en restituant fidèlement les faits». Ce travail évocateur de l'auteur retrace une documentation riche et fort intéressante, où on peut lire la déclaration et les noms des fameux 121 intellectuels, la lettre de Jean-Paul Sartre adressée aux magistrats chargés de juger les porteurs de valises, les psaumes de Kateb Yacine adressés aux Français à la suite de la tuerie du 17 Octobre. Y sont également évoqués les rapports organiques et financiers de la zone dont Moh Clichy avait la charge. On peut y lire aussi des extraits des principales déclarations du général de Gaulle sur les grandes étapes de la guerre de Libération ainsi que les meilleures citations des chefs du FLN (Ferhat Abbès, Ben M'hidi, Abane, Krim, Boudiaf, Ben Boulaïd et Didouche). Ce livre contient, par ailleurs, les directives criminelles de Papon, quelques témoignages de l'époque accompagnés de photos où l'auteur se limite à rapporter des faits précis. Dans cet ouvrage où on distingue des recoupements de faits historiques, on retrouve la préparation de la manifestation du 17 Octobre, de sa gestion par la Fédération de France et l'impact qu'elle a produit sur le gouvernement et l'opinion publique français. Un autre événement de taille a été également évoqué : les résultats politiques de la révolte du 17 Octobre, où l'auteur rapporte un fait politique organisé dans le sillage de cette action. Il s'agit d'une grève de la faim observée par plus de 15 000 Français musulmans algériens (FAM) détenus dans divers camps en France ainsi que les ministres du GPRA emprisonnés (Ben Bella, Boudiaf, Aït-Ahmed, Bitat et Khider). Sur instruction de la Direction de la révolution, tout le monde a observé, entre le 2 et le 22 novembre 1961, la grève de nourriture. De plus, chacun d'eux a envoyé une lettre au Président français, lui demandant la reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie, la reconnaissance de l'unité du peuple algérien et de l'intégrité de son territoire ainsi que l'engagement des négociations avec le GPRA. Au vu de la dégradation de l'état de santé des grévistes algériens, l'ONU est intervenue en votant dans sa résolution du 15 novembre 1961, la reconnaissance, aux grévistes, du statut de détenus politiques. Cela est considéré par les Algériens comme étant une victoire politique internationale incontestable arrachée de haute lutte. Houari Larbi