Du 20 novembre au 27 mars 2022 a lieu dans dix-huit villes de France une exposition intitulée «Arts de l'Islam. Un passé pour un présent» embrassant 13 siècles de productions artistiques et s'étendant sur une aire géographique allant de l'Inde à l'Espagne. Cette exposition simultanée présente deux particularités : dans les dix-huit lieux, les expositions réalisées obéissent à un même format : présenter dix œuvres représentatives des arts de l'Islam, provenant de la collection du Louvre et des collections locales et intégrer un artiste contemporain. Cette exposition décentralisée est pilotée par le département des Arts de l'Islam du musée du Louvre et la RMN – Grand Palais, mais l'initiative en revient au gouvernement : la conférence de presse qui l'annonçait il y a un mois a eu lieu au Louvre en présence des ministres français de l'Education et de la Culture. L'opération montée en 18 mois a bénéficié à la fois d'un investissement important de l'Etat et du concours de deux grands opérateurs culturels. Le projet comporte donc deux volets : politique et culturel. Une politique de la reconnaissance ? A lire et à entendre les discours tenus sur cette exposition, elle relève de ce qu'il est convenu d'appeler une politique de la reconnaissance dont l'objectif est de permettre à toutes les composantes d'une société de se reconnaître et d'être reconnues dans les programmations des institutions culturelles et d'y participer. Dans le contexte français, elle était jusqu'à présent appliquée par les musées de société. Pour la première fois, ce sont des collections provenant d'un grand musée, le Louvre et de collections muséales régionales qui sont appelées à jouer le rôle d'«ambassadeurs culturels», selon l'expression de la directrice du département des Arts de l'Islam Yannick Lintz : l'exposition porte à la fois l'idée d'échanges entre Orient et Occident et l'idée humaniste de la reconnaissance de la valeur universelle de cette culture notamment auprès des publics jeunes issus de l'immigration même si l'exposition vise aussi le grand public. La cible privilégiée que constituent les jeunes explique la présence du ministre de l'Education et l'importance des moyens alloués à la médiation dont on peut néanmoins souhaiter qu'elle ait une adresse plus large à destination du grand public et ne se restreigne pas à instrumentaliser la pédagogie. Les dix-huit expositions montées dans des villes volontaires en partenariat avec le Département des arts de l'Islam du Louvre et bénéficiant des moyens de la Réunion des musées nationaux vont permettre de mettre en valeur une création et un patrimoine méconnus, servant ainsi l'ouverture culturelle. Un passé pour le présent ? Que pourra-t-on apprendre de ces expositions ? L'aire géographique et l'ère temporelle concernées par les expositions étant considérables, le point de vue commun sera nécessairement esthétique et répondra à une logique de musée pour le choix des oeuvres ou plutôt des chefs d'oeuvre. Tout dépendra des collections locales et des apports du Louvre. La conception muséographique limite à dix œuvres selon un même schéma de présentation chaque exposition. Il reste donc à savoir comment un jeune visiteur pourra avoir une vue d'ensemble de ce que sont les arts de l'Islam si aucun récit articulant l'histoire à des aires géographiques ne lui est proposé. L'exposition est conçue sur le modèle de l'anthologie, ensemble composé en général pour le plus grand plaisir des amateurs éclairés. Pour pallier cette difficulté, un important travail de médiation a été mis en place : chaque objet est parfaitement documenté, la présence de médiateurs culturels permet de guider les visiteur. Des objets profanes -objets et décors de cour, textiles et particulièrement vêtements ou encore tapis témoignant de civilisations raffinées – aux objets sacrés – Corans, stèles avec leurs inscriptions magnifiquement calligraphiées- l'ensemble d'œuvres présentées est de nature à susciter la curiosité du visiteur et les moyens utilisés de nature à lui donner des clefs pour leur compréhension. La présence de l'art contemporain dans ces expositions avant tout patrimoniales n'a pas été sans poser de questions aux artistes contemporains engagés dans une cause qu'ils peuvent partager mais qui n'est pas nécessairement liée à leur travail : si certains s'inspirent des arts de l'Islam en retravaillant des matériaux comme le textile ou des motifs ornementaux, le travail de la plupart prend appui sur des questions propres au XXIe. L'articulation entre les oeuvres patrimoniales conservées dans les collections et les oeuvres contemporaines ne va pas de soi.L'exposition de Blois est un exemple de la difficulté d'articulation entre patrimoine et création artistique : elle présente le chapitre 1 du roman algérien de Katia Kameli, artiste franco-algérienne, travail qui, quel qu'en soit le grand intérêt, n'est en rien inspiré par les arts de l'Islam. Occasion de voir des chefs d'oeuvre trop peu présentés, d'installer des idées encore peu développées en matière de politique culturelle, l'exposition des Arts de l'Islam, malgré quelques failles dans sa conception, joue néanmoins dans le contexte actuel son rôle de médiateur culturel. Il reste à rendre compte plus précisément de quelques-unes de ces expositions pour vérifier sur place la bonne mise en oeuvre d'idées généreuses. Advertisements