La ville de Bourg-en-Bresse (Ain) et le Centre des monuments nationaux présentent au monastère royal de Brou l'exposition «Voilé.e.s/ Dévoilé.e.s». Une réalité historique partagée par le monde entier. Le monastère de Brou prend ses marques avec l'actualité du voile que l'islam a remis ces dernières années au goût des polémiques. L'exposition présente une centaine d'œuvres qui démontrent que le voile, accessoire vestimentaire porté par les femmes et parfois par les hommes, remonte à la plus haute Antiquité et que le monde entier est concerné. Les organisateurs de l'exposition Magali Briat-Philippe, conservateur, responsable des patrimoines, et Pierre-Gilles Girault, conservateur en chef, administrateur au monastère royal de Brou donnent à voir une histoire surprenante qui touche la planète dans la diversité de ses us et coutumes. Ils ont eu le souci de faire «une approche transhistorique, transculturelle et de montrer la permanence de points communs, quelles que soient l'époque et la zone géographique et la production de l'œuvre», répond Magali Briat à Anne-Frédérique Fer de FranceFineArt.com. «Profane, il symbolise aussi bien le deuil ou la modestie que la coquetterie, et même la séduction. Religieux, il se retrouve, avec des usages et des significations différentes, dans toutes les grandes traditions monothéistes ou polythéistes», est-il noté dans le document de présentation. On apprend qu'on rencontre le voile partout, dans l'art et dans la littérature, dans les mythes comme dans la rue : «C'est pour prendre du recul par rapport aux débats contemporains et rendre au voile un peu de sa vérité historique à travers sa représentation dans l'art que le monastère royal de Brou a souhaité lui consacrer une exposition. Celle-ci »dévoile » près d'une centaine d'œuvres de toutes les époques et de toutes natures (peintures, sculptures, objets d'art, estampes, photographies, installations vidéo artistiques ou documentaires…), qui mettent en scène des voiles profanes ou religieux abordés de façon thématique». LES RAISONS CULTURELLES, SOCIALES OU CONJONCTURELLES DU PORT DU VOILE Avec tout d'abord le voile coutumier, porté au quotidien, généralement par des femmes, pour des raisons culturelles, sociales ou conjoncturelles (pour se protéger du froid ou pour suivre la mode). «Par exemple, le voile de la femme chypriote du IVe siècle modelée dans l'argile (musée du Louvre), de jeunes filles égyptiennes photographiées vers 1900 (musée d'Orsay), mais aussi de la mère de Rembrandt, gravée par son fils (Fondation Custodia, collection Frits Lugt), de la paysanne picarde peinte par Julien Dupré (Reims, musée des Beaux-Arts) ou, plus près de nous dans le temps, de Sharbat Gula, ‘‘L'Afghane aux yeux verts'' photographiée par Steve McCurry». Il y a aussi le plus connu : le voile sacré ou allégorique. «Ils peuvent être de nature confessionnelle ou encore symbolique (représentant le secret ou la loi, par exemple). C'est le voile de vestales romaines peintes en 1827 par Jean Raoux (Lille, palais des Beaux-Arts). Pour les hommes, le port du voile est davantage lié aux circonstances : juifs en prière coiffés du talit à la synagogue, peints par André Sureda (Autun, musée Rolin) ou pleurant d'un tombeau bourguignon (Lyon, musée des Beaux-Arts) ». Enfin, le voile peut aussi être mis en scène. «Tous ont en commun d'être des voiles de séduction et de spectacle, qui s'écartent de l'accessoire textile réel pour devenir des instruments scénographiques et/ou plastiques, dévoiler plutôt que recouvrir. Porté par des hommes, c'est alors un travestissement, comme Pierre Loti photographié portant le keffieh dans ‘‘la mosquée'' de sa maison à Rochefort». La dernière partie de l'exposition tient au dévoilement, en guise d'épilogue. Le parcours se clôt par l'apparition de la Vérité sous la forme d'une femme nue et non voilée du peintre Jean-Jacques Henner (Paris, musée national Jean-Jacques Henner) et la femme aux longs cheveux de Man Ray (Chalon-sur-Saône, musée Nicéphore Niépce)…