Il ne reste que deux jours pour en finir avec les contentieux électoraux et entamer la dernière ligne droite du scrutin du 24 décembre. La magistrature a, semble-t-il, évité de prendre le taureau par les cornes, à l'image de l'Instance des élections. Tous les gros calibres reviennent, progressivement, dans la course à la faveur d'une loi électorale floue, permettant toutes les interprétations. Le camp de Fathi Bach Agha, ex-ministre de l'Intérieur de Fayez Al Sarraj, a contesté la légalité de la candidature de Abdelhamid Dbeyba, l'actuel chef du gouvernement, en évoquant l'article 12 de la loi électorale votée par le Parlement, qui exige le gel des activités majeures trois mois avant l'échéance électorale. La première instance a écarté Dbeyba et le camp Bach Agha a crié victoire. Mais, l'appel a remis Dbeyba en selle. Même chose pour Seif El Islam El Gueddafi, qui a été écarté par l'Instance électorale, avant que le tribunal de Sebha ne le remette en course. Le sort de Haftar dépend également de son appel devant la cour d'appel de Tripoli. Mais les échos sont en sa faveur, puisque la cour de Zaouia ne dispose même pas de statut pour juger pareils contentieux. Les Libyens sont chauds à entrer dans cette course électorale, comme le laisse entendre le nombre élevé de candidats, semblable à celui de juillet 2012. «Chacun mise sur sa popularité et veut monnayer son audimat pour obtenir une place dans les loges des autorités régionales ou locales du prochain pouvoir», explique le juge Jamel Belhaj, ex-président du Conseil local de Benghazi, à l'aube de la révolution du 17 février. Rien n'indique que des leçons ont été retenues des élections de juin 2014 ou de la guerre civile qui s'en est suivie et, surtout, «aucune solution à la question des groupes armés», avertit Jamel Belhaj, en attirant l'attention sur le fait que «la Commission militaire 5+5 séjourne en ce moment même en Turquie et va partir à Moscou pour tenter de résoudre la question du rapatriement des forces régulières et des mercenaires, comme le stipule l'accord de Genève». La Commission militaire dérange les alliés d'Istanbul puisqu'elle ne fait pas de différence entre les forces régulières et les milices, remarquent les observateurs. Doutes La grande analyste en crises internationales travaillant pour International Crisis Group, Claudia Grazzini, a insisté dans son analyse de la situation libyenne, publiée récemment par des médias français, sur «la loi électorale floue», ainsi que sur «les doutes concernant la capacité des autorités légales à protéger les bureaux de vote», et de conclure que «la probabilité de tenir des élections est très infime en Libye, sur les plans organisationnel, technique et juridique, malgré l'insistance d'une partie de la communauté internationale sur le respect du calendrier fixé à Genève, en février dernier». L'ambassadeur et envoyé américain en Libye, Richard Norland, partage les mêmes craintes concernant «les risques des violences des groupes armés», malgré sa conviction que «les élections constituent une étape fondamentale sur la voie de la stabilité et la réconciliation en Libye». La même attitude est partagée par les Turcs, puisque le porte-parole de la Présidence, Ibrahim Galine, affirme que «malgré l'importance de tenir des élections en décembre, les Libyens restent les seuls à décider du sort de leur scrutin». Du côté de l'Instance supérieure des élections, son porte-parole, Sami Cherif, continue à affirmer l'absence de toute intention de reporter le scrutin. Entre-temps, le secrétaire général de l'ONU est toujours à la recherche d'un remplaçant à son envoyé spécial en Libye, Yan Kubic, démissionnaire à partir du 10 décembre, une démission qui vient au moment même où l'ONU a le plus besoin d'une présence significative en Libye pour trouver un terrain d'entente entre les belligérants libyens. Les Libyens se retrouvent face à plusieurs scénarios, dont le plus optimiste est la tenue de l'élection présidentielle sans incidents. Toutefois, cette possibilité reste incertaine puisque les candidats représentent des factions rivales de la population, à l'image de Khalifa Haftar, Abdelhamid Dbeyba et Seif El Islam El Gueddafi, sans parler de Fathi Bach Agha, Ahmed Myitigue, du côté de Mesrata, Aref Nayedh, le laïque de Benghazi, ou l'ex-chef de gouvernement Ali Ziden. La présence de plus de 70 candidats va émietter drastiquement le paysage électoral. La Libye marche sur du verre. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami Advertisements