Le processus électoral libyen avance malgré les difficultés à résoudre l'équation complexe des groupes armés irréguliers. Au moins 66 candidats de tous bords se sont présentés à l'élection présidentielle dont le 1er tour est prévu le 24 décembre prochain. Pourtant, la question de la protection des urnes reste une grande énigme. Pas plus tard qu'hier, le président du Conseil de l'Etat, l'islamiste Khaled Mechri, menace de recourir aux armes pour stopper ce processus. Le dépôt des candidatures à la présidentielle libyenne s'est poursuivi jusqu'à hier soir. Toutes les expressions politiques libyennes ont présenté des candidats. Même l'actuel chef de gouvernement, Abdelhamid Dbeyba, qui s'est engagé devant la commission politique à Genève en février dernier, de ne pas se présenter à des postes éligibles, a finalement présenté sa candidature. Les islamistes extrémistes, proches du mufti Sadok Ghariani, sont eux aussi présents à travers la personne de Khalifa Ghouil, un activiste de la Jamaa Libya Moukatila (Groupe combattant libyen), une aile d'Al Qaîda d'Oussama Ben Laden. L'un des premiers à déposer sa candidature fut Seif El Islam El Gueddafi, le fils de l'ancien homme fort de Libye, Mouamar El Gueddafi, déchu par la révolution de 2011. L'homme fort de l'Est libyen, Khalifa Haftar, s'est porté, lui aussi, candidat, tout comme l'actuel président du Parlement, Aguila Salah. C'est dire que plusieurs acteurs actuels vont concourir le 24 décembre pour le poste d'un Président élu en Libye, le 1er de l'histoire. Les principaux candidats sont Khaled Chekchek, président de la Cour des comptes, Khalifa Ghouil, nommé chef de gouvernement par le Congrès national général, après sa dissolution de fait suite aux élections de juin 2014. Omar Hassi, chef de gouvernement entre le 6 septembre 2014 et le 31 mars 2015, lorsqu'il a passé le témoin à Fayez El Sarraj ; Nouri Bousahmine, le 2e président du Congrès national général, à partir du 24 juillet 2013, jusqu'au 7 février 2014 ; Abdelhamid Dbeyba, l'actuel chef de gouvernement, depuis le 5 février 2021 ; Béchir Salah, dernier chef de bureau de Mouammar El Gueddafi ; Aguila Salah, l'actuel président du Parlement ; Fathi Bach Agha, ex-ministre de l'Intérieur de Fayez El Sarraj ; Aref Ennayedh, ex-ambassadeur de Libye aux Emirats et lobbyiste connu ; Ahmed Myitigue, ex-vice président du Conseil présidé par El Sarraj ; Ali Zidane, chef du gouvernement de novembre 2012 à mars 2014 ; Khalifa Haftar, commandant en chef de l'Armée nationale libyenne ; Seif El Islam El Gueddafi, le fils de Mouammar El Gueddafi ; Brahim Debbachi, le 1er représentant de la Libye révolutionnaire à l'ONU. Doutes Les observateurs s'interrogent sur l'avenir de ce processus électoral, puisque plusieurs critères n'ont, semble-t-il, pas été respectés. Les Libyens de la commission politique ont convenu à Genève que les membres désignés au Conseil présidentiel et à la présidence du gouvernement ne peuvent pas se présenter aux élections. L'article 12 de la loi électorale, votée par le Parlement, exige que le candidat gèle ses activités officielles trois mois, au moins, avant de présenter sa candidature. Si le commandant de l'ANL, Khalifa Haftar, le président du Parlement, Aguila Salah, et le président de la Cour des comptes, Khaled Chekchek, ont appliqué cette restriction, Dbeyba a continué ses activités. Il a présidé une réunion avec les jeunes de Tripoli, pas plus tard que la semaine dernière. Le président de l'Instance électorale a conseillé de se pourvoir en justice pour résoudre ce contentieux. Une autre question et non des moindres, celle de la protection des urnes. La Libye ne dispose pas d'armée ni de police régulière, se référant à la légalité de l'Etat. Aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest ou au Sud, les armes ne sont pas neutres. Elles défendent une certaine allégeance ou tribu. La principale interrogation qui se pose, c'est le degré de transparence d'élections se déroulant dans pareilles conditions. La ligne navigue à vue. Rien ne prouve que l'aboutissement de ce scrutin va être accepté par tous les candidats. Pour les législatives, aussi, le nombre de candidatures est immense. Ils sont déjà 1534 candidats, alors qu'il reste une dizaine de jours pour candidater. Les dossiers devraient être transmis au procureur général, à la direction générale des passeports et de la nationalité, ainsi qu'au service des enquêtes pénales. Les Libyens marchent sur des œufs. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami Advertisements