Au moment où des milliards d'euros sont injectés par l'Algérie dans l'importation des équipements technologiques, des centaines d'inventions d'Algériens sont tuées dans l'œuf à cause du mutisme, pour ne pas dire du mépris, des responsables politiques. C'est le paradoxe qui ressort de l'exposition sur « L'invention et l'innovation en Algérie » organisée, du 13 au 20 avril, au ministère de l'Energie et des Mines en collaboration avec l'Association nationale des inventeurs algériens (ANIA). Hormis une bonne oreille de Chakib Khelil, qui prévoit, d'ailleurs, de présider une association d'inventeurs, les autres ministres se montrent avec un cœur de glace devant les sollicitations des inventeurs. Le vice-président de l'ANIA et membre de l'association ABH, Houam Noureddine, a exposé une machine de base à tout outil mécanique avec une précision numérique qui porte le taux de l'erreur à 1/1000 millimètre. L'appareil, produit seulement aux USA, en Allemagne et au Japon, est déjà opérationnel au sein de Sonacome et de Rouiba Eclairage. ABH, société créée il y a quatre mois par trois inventeurs, est financée par l'industriel Aberkane, président du Groupement d'entreprises Remelec. ABH, explique Houam, s'attelle à mettre à niveau les sociétés nationales de technologie en les intégrant dans la robotisation. La société a produit également un procédé d'incinération des huiles polluées, dont le contrat de mise en œuvre au sein de Sonatrach est signé mercredi dernier avec le ministre de l'Energie et des Mines. « Cette méthode apportera un gain de 20 milliards de dinars car le traitement se faisait auparavant à l'étranger », avoue Houam, ingénieur en mécanique et en technologie. Toujours dans la mécanique, un extincteur à air par aspiration de flammes a été étalé dans le hall du ministère avec des démonstrations de faisabilité sur un micro-ordinateur. Ainsi, des flammes gigantesques ont été éteintes en quelques secondes. Il y a aussi un compresseur à circuit fermé qui sert en même temps de porter des marchandises qui pèsent jusqu'à 800 kg, de refroidir et de réchauffer l'eau. Cette invention a été primée en 1997 au Canada. La plus remarquable invention reste ce détecteur de documents faux et piégés et qui vérifie aussi l'authenticité des billets d'argent, de passeports et même d'empreintes digitales. Une lettre peut être lue sans même ouvrir l'enveloppe. « C'est une technique qui aidera sans doute la police et les services de sécurité », constate Houam. L'association a créé également un avion téléguidé qui détecte les fuites sur les pipelines de gaz. Un autre inventeur, Kharoubi Mohamed, de Khemis Meliana, veut s'attaquer à la lourdeur administrative en mettant en place un formulaire d'une feuille qui résume huit feuilles pour remplir un dossier de demande de logement social. Le nombre de logements sociaux étant de 2 millions, il faut 16 millions de feuilles, dont l'étude demandera des mois. Avec cette astuce, toute la demande est réduite dans 2 millions de feuilles et qui seront étudiées en un mois. Le génie de Khemis Meliana, qui a décroché le prix de la meilleure invention 2004 avec le conteneur d'aiguilles de seringues, prépare l'élaboration d'un livret de travail et d'une carte de chômeur pour un recensement précis du taux de chômage en Algérie. Un autre Algérien a inventé des boules de glaces qui servent dans les boissons fraîches. Pour donner corps à son idée, il a été contraint de partir en Indonésie où il dirige une grande entreprise. Un autre a découvert des pompes hydrauliques qui sont actuellement exportées vers le Maroc. Son projet implanté à Boumerdès a généré 200 postes d'emploi. Lassel Chérif, 30 ans, a inventé un panneau de signalisation phonétique. En plus des feux tricolores, l'appareil communique phonétiquement les plaques de signalisation. « Depuis 2001, je vise la production et la commercialisation de mon produit. En vain. Même les chefs d'entreprise ne me reçoivent pas. Maghlaoui, le ministre des Transports, m'a promis une solution, mais rien de concret », révèle Chérif, qui se sent livré à lui-même. Le jeune appelle aujourd'hui à une assistance pour mettre en pratique son nouveau projet : reconvertir le flux de la circulation routière en énergie électrique. Ogba Abdelkader, lui, a inventé, il y a douze ans, une coupe O qui sert à couper automatiquement l'eau même si le robinet est ouvert. Manuel et simple, l'appareil évite le gaspillage et les inondations. Le vieux Abdelkader, primé en 2001 par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle pour la meilleure invention, prend son mal en patience avec ses diplômes et brevets en attendant un geste de Sellal. Le représentant d'ABH résume les contraintes des inventeurs algériens en montrant du doigt le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique qui, selon lui, constitue « le premier mur ». Ensuite, l'absence de facilités et d'avantages pour créer une entreprise. « Nous sommes capables de freiner l'importation et même d'exporter », déclare Houam en estimant le nombre d'inventeurs en Algérie à 12 000. A quand la réhabilitation du savoir ?