Avril 2001-avril 2005, quatre années sont passées depuis qu'un gendarme de la brigade de Beni Douala a tiré sur le jeune Guermah Massinissa, déclenchant une révolte populaire sans précédent, qui a fini par emporter plus de 120 personnes et des milliers de blessés. La Kabylie s'est mobilisée comme jamais, mais comme toujours elle a fini par céder aux éternelles divisions qui l'ont toujours fragilisée face à un Pouvoir fort de ses capacités de manipulation. La structure des archs, née dans le feu de la révolte, a réussi à se maintenir comme force de contestation et de mobilisation populaire, mais en quatre ans, combien d'erreurs commises. Après avoir longtemps joué la carte de la confrontation directe avec le Pouvoir, la coordination des archs, qui a perdu des forces au fil du temps, se retrouve aujourd'hui dans une situation quelque peu paradoxale. L'ennemi d'hier est devenu le partenaire d'aujourd'hui. Depuis maintenant quatre mois, un dialogue sans fin est engagé entre le mouvement des archs et le chef du gouvernement. Ces derniers jours, l'opinion publique est focalisée sur l'histoire du départ des « indus élus », ce qui donne l'impression aujourd'hui que l'essentiel de la crise de Kabylie est réduit à des individus qui ont osé défier, en 2002, les archs pour participer à des élections. Aujourd'hui, ils sont en train de défier ceux qui les ont encouragés et félicités à l'époque. L'histoire des « indus élus » n'est que l'une des conséquences de la crise. En biaisant le débat et en détournant l'attention de l'opinion et des acteurs politiques, il y a comme une volonté d'occulter ce qui a engendré la crise de Kabylie, à savoir le déni identitaire, l'injustice et l'impunité. Au-delà des « acquis » annoncés épisodiquement par la délégation des archs et qui se limitent souvent à de simples engagements, le mouvement est entré dans une logique d'autosatisfaction, au point de refuser d'organiser la traditionnelle marche du 20 avril, estimant au passage que l'accord global signé avec le chef du gouvernement sur la mise en œuvre de la plateforme d'El Kseur suggère une satisfaction de fait de l'éternelle revendication identitaire. « Le partenariat » entre le mouvement des archs et le chef du gouvernement est perçu par certains comme une trahison, au moment où d'autres acteurs de la vie politique en Kabylie estiment que la délégation des archs a noyé les revendications de la plateforme d'El Kseur dans des considérations matérielles et financières. Pour la délégation des archs, les engagements pris avec Ouyahia sont faits au nom de l'Etat algérien qui, pour sa crédibilité, doit les respecter. Mais entre un engagement et sa mise en application sur le terrain, il y a tout un fossé. L'engagement de révoquer les élus a été pris en janvier 2004 et il a connu un début d'exécution en janvier 2005 avec la reprise du dialogue. Selon toujours les délégués des archs, le chef du gouvernement s'est engagé à ce que les assassins des jeunes manifestants de Kabylie soient traduits rapidement devant les tribunaux civils, mais jusqu'à maintenant rien n'est venu conforter cet engagement (voir article de Saïd Gada). Entre l'autosatisfaction des délégués impliqués dans le processus de dialogue, les sorties épisodiques de ceux qu'on appelle « les antidialoguistes » et l'absence des acteurs politiques traditionnels, la Kabylie reprend à vivre avec l'espoir de lendemains meilleurs et surtout que le combat de plusieurs générations et le sacrifice des milliers de jeunes, morts ou blessés, ne soient pas vains.