C'est avec la disparition de la frontière public - privé que les sciences d'entreprise (de gestion) ont envahi l'Administration (Corporate gouvernance ou gouvernement d'entreprises). Nous sommes en plein management de la deuxième moitié du siècle dernier qui n'organise plus l'activité de l'Etat autour du statut public-privé dans le cadre de l'efficacité globale de l'économie : les usagers des services publics sont devenus des clients et les chefs d'entreprises des créateurs de richesses et des acteurs à part entière. C'est toute la relation politique et juridique qui a changé imposant des normes nouvelles pour plus de bien-être social avec des coûts maîtrisés. Nous sommes entrés au troisième millénaire avec les certitudes et les incertitudes des expériences achevées et réussies ailleurs mais pas toujours, des échecs sont signalés aussi. Nous notons des débats intéressants de nos économistes, principalement dans la presse écrite qui avertissent sur le danger d'une croissance artificielle et souhaitent que ce pactole intègre prioritairement l'investissement humain qui managera une croissance réelle, porteuse et durable. Ils appellent à plus de clarification pour dessiner la feuille de route de l'économie nationale : un consensus social et politique est-il possible ? Encore faudrait-il ancrer la démocratie économique dans nos mœurs. La construction d'un million de logements à l'horizon 2009 soulève des questions d'importance économique cruciale liées aux besoins humains naturels : travail, logement, foyer familial, transport et circulation des hommes et des biens. Faut-il rééditer les cités-dortoirs passant pour être de grands ensembles d'habitat pour certains promoteurs qu'ils n'habiteront jamais eux et leurs familles ? Ou faut-il imposer un cadre de qualité architectural et urbanistique (perspectives urbaines avec création de villes nouvelles embryonnaires et agglomérations rurales où les emplois créés ne se perdront pas) dont le financement n'incombera pas uniquement au budget de l'Etat mais à la promotion financière dite immobilière, en copropriété, avec les concours et les garanties pérennes attachés aux régimes des investissements nationaux qui ne font plus de distinction entre public et privé mais s'intéressent uniquement aux foyers fiscaux (résidents et non-résidents). L'Etat songe-t-il à récupérer ses billes en vendant sur plans tous les espaces marchands culturels, sportifs et de loisirs qu'il intégrera judicieusement au besoin « logement » avec des plus-values qui serviront à financer d'autres priorités (services sociaux non marchands) ? Compte-il intégrer les espaces éducatifs conventionnels et privés d'enseignement et de formation, les espaces sanitaires ? Surtout pas en zone de ceci, et en zone de cela, mais dans un cadre harmonieux, à l'image d'un corps humain qui, à partir d'une cellule fécondée, devient un corps homogène fonctionnant avec des appareils interopérables nécessaires à l'harmonie d'ensemble . A-t-il l'intention de faire de l'aménagement territorial urbain et rural autour d'espaces de transports ferroviaires, aéroportuaires et routiers intégrant la spécificité locale : industrielle, touristique, agricole ou les trois à la fois quand c'est possible ? A-t-il compris qu'il faille développer l'occupation du territoire par un maillage ferroviaire en réseaux pour favoriser la mobilité professionnelle (là où le rail arrive, le développement arrive, à moindre coût à la longue) ? Pour désengorger le Nord et pousser la jeunesse algérienne à aller à l'aventure pionnière là où il sera possible de cultiver des terres nouvelles, faire de l'élevage intensif pour des perspectives d'exportation et d'autosuffisance alimentaire, se lancer dans les industries locales de toutes sortes : pétrolières , minières, manufacturières selon les configurations géoéconomiques du pays inhabité aux 4/5. La réorganisation territoriale (nouvelles wilayas et communes ou régionalisation), la décentralisation administrative, les besoins sécuritaires et de défense nationale sont-ils prévus dans ce programme ambitieux à moyen et long termes ? Ce programme d'un million de logements évoque pour les spécialistes une logique de construction d'infrastructures de toutes sortes nécessaires au développement de l'Algérie. Ce programme ne doit pas être réalisé comme par le passé car sa logique (logement) est étroitement liée à plusieurs autres logiques (industrielle, aménagement de l'espace, emploi, mode production et d'accumulation du capital etc.). C'est l'occasion de tester tous les dispositifs d'ouverture de notre économie qui ambitionne de faire du marché le moteur de la croissance (par les entreprises et les concours financiers disponibles au marché de l'épargne avec ses instruments comme l'appel public à l'épargne , l'offre publique de vente etc.). Malgré le déficit, il ne faut pas tomber dans l'urgence pour bâcler le travail et dilapider des ressources non renouvelables dans un environnement d'endettement qui caractérise encore notre économie, même si le fardeau a été allégé (favoriser les intrants locaux). C'est l'occasion aussi de tester les nouvelles alliances de la politique extérieure algérienne. Nous visons le partenariat d'exception français qui trouve là une occasion de nous aider à éviter les erreurs commises en France même (remise en cause des grands ensembles d'habitat non gérables de tout point de vue et source de conflits sociaux inextricables). Les partenaires de l'Algérie peuvent-ils entrevoir, dès à présent un soutien technique et technologique au programme du président Bouteflika. Car les Algériens attendent de voir la coopération promise se concrétiser sur le terrain du développement de leur pays. Dans ce sens, la coopération multilatérale peut aussi aider l'Algérie à bien réaliser ses plans de développement où l'Etat entrepreneur, qu'il faut tolérer encore pour un temps, continuera à stimuler le marché local en attendant de voir ce marché émergent, faut-il le rappeler, se prendre en charge par lui-même. Cette sollicitation attendue s'explique par ce qui va suivre : 1- L'économie algérienne : une économie mixte ignorant la frontière public - privé. La privatisation en Algérie est sous-tendue par trois raisons : a - Les performances des entreprises sont les arguments majeurs à la privatisation en raison de leurs faiblesses mais en économie administrée. La question que les dirigeants d'entreprises publiques se doivent de poser, dès à présent, est de savoir s'ils sont capables d'améliorer ces performances en économie de marché (nous visons les capacités d'absorption) ? Et par quel instrument (les contrats de performance par exemple) ? Quelles sont les réformes qu'ils souhaitent voir entreprises par l'Etat régulateur institutionnel. Parce qu'ils seront comptables du capitalisme « à l'algérienne » en soulevant une question d'intérêt immédiat : ils sont issus de la même école de formation que les managers d'entreprises privées et évoluent désormais dans le même environnement. b- Les arguments politiques d'ordre idéologique et budgétaire : Tout ce qui est public est-il mauvais ? Faut-il combler le déficit budgétaire en vendant les « bijoux de famille » ? La question des salaires et du pouvoir d'achat doit être sérieusement débattue si les performances en dépendent pour s'éloigner de la corruption. Dans tous les cas de figure, les EPE devraient être lâchées, progressivement, dans la « jungle » du marché. A elles de s'armer pour faire face à la menace positive de la concurrence. c- L'insertion de l'Algérie dans la mondialisation et dans la construction maghrébine : Où situer notre rang avec nos capacités ? C'est aux Algériens managers de répondre à cette question. Dès lors qu'il leur sera difficile d'avancer des arguments éculés du passé socialiste du pays qui ne permettait pas aux initiatives de s'exprimer. Aujourd'hui, ils sont face à leurs devoirs en économie de marché qui permet toute iniative économique non explicitement et légalement interdite (la loi ne réprime pas le bon sens économique). 2- La société algérienne : une société plurielle démocratique : Les incidences des réformes économiques sur les réformes politiques, si elles sont réussies, conditionnent notre devenir commun. Le pluralisme politique, syndical, la mixité sociale, l'Etat de droit auquel nous aspirons, notre identité d'Algériens, sont tributaires de la somme des compétences des uns et des autres pour réussir là où par le passé nous avons échoué. L'exclusion, quelle qu'elle soit, doit cesser. Nos cerveaux exilés reviendront s'ils constatent, par nos témoignages, que les choses changent et changent bien. Ils ne reviendront pas par effet d'annonce. La presse nationale, enfin comprise, aidera à rendre compte des changements , mais des vrai changements, pas ceux souhaités dans les bureaux feutrés, loin des réalités de la vie des Algériens. Faisons de la presse un allié objectif sur la base de résultats probants, vérifiables à l'œil nu, il y va de sa crédibilité liée à celle de tout le pays. 3- L'Etat algérien : acteur principal du développement socioéconomique (un gouvernement d'entreprises est-il possible ?) L'évolution du secteur public théorisée par le concept controversé du gouvernement d'entreprises (Corporate gouvernance) passe d'abord par l'identification politique et économique des principaux groupes d'intérêt, la précision du contexte et du cadre juridique (modalités de privatisation) de telles opérations de restructuration. Les ministres doivent appréhender leurs missions nouvelles comme étant la gestion économique de leurs secteurs qui inclut sans aucune discrimination le secteur privé. La transition recommande cette attitude : être ministre de l'économie de la Santé, ministre de l'économie de l'Eau, ministre de l'économie des Transports, ministre de l'économie de l'Environnement, ministre de l'économie des Finances etc. Le chef d'orchestre devrait être le premier ministre de l'Economie « des économies » des ministres qui doit absolument faire comprendre à tous les fonctionnaires le principe de l'unité de l'Etat et son corollaire le principe de non-démembrement de l'autorité de l'Etat (aucun ministère ne vit par et pour lui-même en matière économique). Le ministre du Tourisme qui ambitionne de développer l'industrie du tourisme ne peut le faire s'il n'y a pas de répondant de ses collègues de l'industrie, des finances, de la culture, de la santé, de l'environnement, de la sécurité, des transports, de l'eau, tous sont concernés par une politique d'industrie du tourisme. Nous croyons davantage à un gouvernement d'économistes pour l'étape présente. Si ces ministres économistes réussissent, ils donneront naissance nécessairement au gouvernement d'entreprises qui favorise les indicateurs de gestion pour enrichir la nation par l'addition de compétences et des économies sectorielles, dites d'échelles, compte tenu d'une politique économique nationale voulue stratégique (micro et macro). Un gouvernement d'entreprises, ce n'est pas un gouvernement d'entrepreneurs, chefs d'entreprises, non, c'est un gouvernement de sciences de gestion (Combien ça coûte doit être un leitmotiv pour la recherche de la maîtrise des dépenses). 4-Etat, Société et Economie : l'harmonie nécessaire avec l'extérieur (stratégie et vision à long terme). Les intérêts patrimoniaux de l'Etat lui commandent de développer une banque industrie en Algérie (un grand groupe solide et fiable) pour favoriser les rapprochements financiers et commerciaux des banques et des assurances dans le cadre de la réforme financière et bancaire (faut-il une loi pour ce faire, les textes en vigueur ne suffisent-ils pas ?). Le Trésor a un grand rôle à jouer en matière de rapprochement d'entreprises par l'approbation, sous son contrôle, des changements de statuts, des comptes de répartitions et de résultats des fusions, pour éviter la création de montages financiers complexes qui, en améliorant les ratios des entreprises publiques de manière artificielle, entame sérieusement leur crédibilité (rôle des banques et établissements financiers). C'est aux staffs dirigeants des entreprises publiques de négocier, en connaissance de cause, les meilleures formules de privatisation qui sied à leur positionnement sur le marché national et étranger. Un ministère ne peut que valider leurs choix sur la base de dossiers montés avec tout le sérieux du monde s'agissant de la richesse nationale (des générations présentes et montantes). Une commission de surveillance des privatisation, composée d'experts et pas de politiques, suffit à contrôler l'estimé exact des actifs, objet d'une formule, parmi trente, de privatisation (les minorations et les primes doivent être transparentes contre des engagements d'emplois, de transfert de technologie par exemple). La société est en droit d'exiger de l'Etat de veiller à ce que des groupes inamicaux ne mettent la main sur l'économie nationale encore fragile. La sécurité du pays en dépend. C'est pourquoi nous avons dit que la coopération internationale doit se prononcer pour vérifier ses bienfaits, sinon les beaux discours de celle-ci ne remplissent pas les ventres et les têtes de nos compatriotes qui ne demandent qu'à retrouver confiance en l'Etat, aux mains de l'intelligence nationale, pour aspirer à une vie normale, ni meilleure ni pire, que la vie de nos voisins immédiats de la Méditerranée et du Maghreb. S'ils veulent mettre fin aux flux migratoires, en inversant plutôt la tendance, c'est l'occasion idoine de joindre leurs paroles à leurs actes. Il n'est pas dit pour autant qu'il faille les attendre, l'Algérie est d'abord l'affaire des Algérien(ne) s qui mettront un point d'honneur à développer le pays que leurs aînés ont restauré après une longue nuit d'avilissement et un quartenaire de tâtonnements. La volonté politique ne doit souffrir aucun amalgame (mise en place de dispositifs opérationnels de recours simplifiés et efficaces d'arbitrage et de conciliation, voire de protection des cadres de l'Etat et de ses démembrements contre l'abus d'autorité, l'exclusion et la corruption).