Docteur Abderrahmane MEBTOUL* J'ai eu, depuis des années dans la presse algérienne , à attirer l'attention que les relations personnalisées au plus haut sommet de l'Etat ne peuvent que conduire à une dérive. En effet, en ayant programmé une dépense monétaire publique selon les données récentes du président de la République (message à l'occasion du 24 février 2010) de 1999 à 2009 de plus de 300 milliards de dollars grâce à la rente des hydrocarbures ( 98% des recettes en devises ) avec la faiblesse, l'inadaptation ou le gel des institutions de contrôle transparents , il fallait s'attendre à la mauvaise gestion à tous les niveaux et la corruption généralisée qui en sont les manifestations les plus concrètes. A titre d'exemple la Cour des comptes, institution dépendante de la présidence de la République chargée de veiller à la bonne gestion de la dépense publique selon la Constitution, est gelée depuis des années, alors qu'elle aurait pu éviter certaines dérives. L'inspection générale des finances dépendante de l'exécutif, pouvant être juge et partie, devant jouer certes un rôle mais ne saurait remplacer cette institution autant que les observatoires, sans parler des commissaires aux comptes qui sont devenus au fil des années des fonctionnaires des conseils d'administration .La société civile, les partis d'opposition, doivent être un véritable contrepouvoir , les services de sécurité devant certes jouer un rôle stratégique contre les crimes économiques qui menacent le fondement de l'Etat, comme de par le monde, mais leur efficacité durable et dans le cadre d'un Etat de droit, ne peut être renforcéée que grâce à la bonne gouvernance politique et d'entreprise . Je ne saurai trop insister que les relations souvent informelles ne sauraient remplacer les institutions, renvoyant à la refondation de l'Etat sur des bases modernes, qui doivent s'adapter tant aux mutations mondiales que locales tenant compte de notre anthropologie culturelle. Le risque est que la nouvelle dépense monétaire de plus de 140 milliards de dollars, selon toujours les mêmes sources, risque de connaître malheureusement la même destinée, la non proportionnalité avec les impacts économiques et sociaux attendus. 1- L'évolution du concept de la bonne gouvernance Le terme " corporate governance ", qu'on peut traduire par gouvernance d'entreprises s'est généralisé dans l'étude du pouvoir local et fait par ailleurs son apparition à la fin des années 80 dans le champ des relations internationales. Le terme de " good governance " est employé par les institutions financières internationales pour définir les critères d'une bonne administration publique dans les pays soumis à des programmes d'ajustement structurel. En effet, dans les pays en voie de développement et en transition, l'introduction de la notion de gouvernance s'est effectuée sous la houlette d'organisations internationales (Banque mondiale puis OCDE). Vers les années 1989, les services publics et les institutions à tous les niveaux de gouvernance - locale, nationale, régionale, continentale et mondiale sont mis en place pour remplir certaines missions et réaliser certains résultats qui correspondent à des besoins spécifiques de la population, en fonction d'un programme déterminé de développement. Mais le pas décisif de la recherche sur la bonne gouvernance date des années 1990 en réaction à la vision, jugée techniciste, du New Public Management où a été posée cette question : la bonne gouvernance est-elle une conséquence de la pratique de la démocratie et l'Etat de droit ou sa cause ? Autrement dit, la liberté, la démocratie et l'Etat de droit, pris comme option politique peuvent-elles engendrer la bonne gouvernance, c'est-à-dire la bonne gestion des affaires publiques ? Car il serait erroné d'affirmer que la bonne gouvernance serait l'assimilation à la quantification de la croissance du PIB / PNB vision mécanique dépassée par les institutions internationales elles mêmes. Ainsi, ont été mis en relief à juste titre que la crise de l'État ne connaît pas seulement une crise interne touchant à ses fonctions et à sa structure, mais concerne davantage la capacité de l'État à asseoir sa légitimité ainsi qu'à formuler des politiques publiques en phase avec les besoins socio-économiques. C'est dans ce cadre , comme consécration de la recherche du rôle fondamental des institutions, cœur de la dynamique économique des conditions du développement, en octobre 2009 , que le jury du Prix Nobel en Sciences économiques de l'Académie Royale Suédoise des Sciences a choisi le travail d'une femme - Elinor Ostrom pour " son analyse de la gouvernance économique, en particulier des biens communs " et d'Olivier Williamson pour " son analyse de la gouvernance économique, en particulier des frontières de la firme " , qui ont démontré que les institutions ont un rôle très important dans la société déterminant la structure fondamentale des échanges humains, qu'elles soient politiques, sociales ou économiques et qu'elles constituent un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d'institution désignant " les règles formelles et informelles, surtout dans les pays du Tiers monde dominantes , qui régissent les interactions humaines ", et aussi comme " les règles du jeu " qui façonnent les comportements humains dans une société.
2.- La bonne gouvernance politique/entreprises selon les institutions internationales Ces différents travaux théoriques et empiriques ont largement influencé la conception de la gouvernance tant de l'ONU, de l'OCDE, du FMI, que de la Banque mondiale passant d'une vision techniciste, mécanique à une conception institutionnelle et plus " humaine ". . Aussi convent-il pour les raisons citées précédemment, de distinguer la gouvernance politique de la gouvernance d'entreprise. Ainsi la gouvernance politique comprend la gouvernance mondiale ou globale : elle désigne l'ensemble des règles d'organisation des sociétés humaines à l'échelle de la planète. La gouvernance locale, elle, désigne un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d'exercer leurs droits et obligations à l'échelon local. Quant à la gouvernance d'entreprise, elle recouvre l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. En fait, l'objectif de la bonne gouvernance pour l'Etat et l'entreprise est d'apprendre à vivre ensemble et à gérer pacifiquement la maison commune ; d'y assurer les conditions de la survie, de la paix, de l'épanouissement et de l'équilibre entre l'humanité et la biosphère " et Selon Kofi Annan ex-secrétaire général de l'ONU " la bonne gouvernance est le chemin le plus sûr pour en finir avec la pauvreté et soutenir le développement. " Quant à l'objectif pour l'entreprise, c'est l'amélioration du cadre juridique, institutionnel et réglementaire organisant la gouvernance d'entreprise, optimiser l'organisation de l'entreprise au niveau de la direction et du contrôle, réduire les conflits d'objectifs entre dirigeants et actionnaires et enfin, améliorer l'efficacité et l'efficience de l'entreprise et réaliser la croissance économique. Ainsi cette nouvelle vision pose la problématique des liens entre la bonne gouvernance et les institutions car l'opérationnalisation de la bonne gouvernance est assurée par les institutions en distinguant : d'une part, les institutions politiques et juridiques qui contribuent à la construction d'un Etat de droit, aussi d'assurer l'accès de la population à la justice et à la sécurité, d'autre part, les institutions économiques qui assurent le fonctionnement efficace et efficient de l'activité économique et la gestion optimale des ressources économiques et enfin les institutions sociales et communautaires qui assurent l'amélioration de la qualité de la santé et de l'éducation des populations ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement. *Professeur d'Université en management stratégique - expert international ancien directeur central des études économiques à la Cour des comptes (1980/1983)