Miné par les dysfonctionnements de leurs relations commerciales et le surendettement de certaines sociétés issues de la restructuration des années 1990, le secteur de la presse n'arrive toujours pas à trouver ses marques. Toute la chaîne des entreprises qui le composent (publicité, importateur de papier, éditeurs et imprimeurs) souffre d'un problème d'endettement généralement hérité des sociétés mères et plus généralement d'une insuffisance de trésorerie due en grande partie à des difficultés de recouvrement de créances. La lourdeur de l'endettement est particulier aux entreprises publiques qui traînent des passifs résiduels si importants qu'ils plombent toute dynamique de redressement. Un assainissement financier à la mesure de l'ampleur du problème est urgent, car il constitue un prérequis pour la solvabilité des entreprises concernées. Le problème n'est en réalité pas nouveau puisque les fonds de participation et les holdings publics qui leur avaient succédé ont eu à le gérer, mais dans un contexte de forte restriction budgétaire. La Société de gestion de participation « Communication » en héritera, mais dans une conjoncture financière beaucoup plus favorable qui permettra à l'Etat de réserver, à la faveur de la loi de finances 2005, une part non négligeable de ses ressources budgétaires (32 milliards de dinars) à l'assainissement d'un certain nombre d'EPE, parmi lesquelles figurent des entreprises publiques de presse. A ce lourd héritage dont pâtissent les entreprises publiques de presse est venu se greffer un tout aussi lourd problème de créances irrécouvrables que leur ont laissé des sociétés privées d'édition auxquelles leur statut de société à responsabilité limitée (SARL) permet d'éviter, lorsqu'elles font faillite, la procédure de liquidation qui aurait pu permettre de récupérer ne serait-ce qu'une partie des créances détenues sur elles. En 1997 déjà, on avait évalué à près d'un demi-milliard de dinars le montant des ardoises laissées aux trois sociétés publiques d'impression (SIA, SIO, SIMPRAL) par les SARL dissoutes. On n'omettra pas également d'évoquer les traitements de faveur accordés généralement sur injonction de certains cercles du Pouvoir à certains journaux qui traînent de lourdes ardoises auprès des sociétés publiques d'impression contraintes de maintenir des relations commerciales avec ces éditeurs indélicats en dépit de l'accumulation des factures impayées appelées certainement à rejoindre le stock des créances irrécouvrables que l'Etat devra à un moment ou à un autre payer. Il en a déjà pour près de un milliard de dinars. Il y a sans doute lieu d'ajouter à tous ces dysfonctionnements qui exacerbent les difficultés financières des entreprises de presse, celui ayant trait à la lenteur du recouvrement des créances détenues par l'ANEP sur les institutions étatiques (APC, wilayas, ministère, etc.), qui contraignent cette dernière à différer la répartition des produits de la publicité en faveur des éditeurs qui accumulent ainsi des créances au détriment de leur trésorerie. Dans cette chaîne d'entreprises interdépendantes que constitue le secteur de la presse, il suffit d'une défaillance au niveau d'un maillon pour que l'ensemble de la chaîne se grippe. L'écrasante majorité des journaux étant censés vivre des produits de la publicité que l'ANEP, érigée en monopole, leur répartit. Un retard dans le paiement des factures de publicité dues aux éditeurs va, dans bien des cas, se traduire par un retard de paiement des factures dues aux imprimeurs, lesquels ne pourront pas à leur tour payer ALDAPH, leur fournisseur en papier. C'est ainsi qu'on évalue à environ 2 milliards de dinars le montant que doit verser l'ANEP aux éditeurs concernés pour solvabiliser la chaîne des entreprises du secteur de la presse. Dans l'incapacité de recouvrer la totalité de ses créances auprès des institutions étatiques qui constituent ses principaux clients, l'ANEP est chaque fois contrainte de solliciter l'intervention des plus hautes autorités du pays pour solutionner le problème. C'est ainsi que le chef du gouvernement vient d'adresser une directive à tous les opérateurs concernés afin qu'ils s'acquittent des dettes dues à l'ANEP et aux sociétés d'impression. Une avance sur le montant des créances (près de 2 milliards de dinars) est accordée par le Trésor à l'ANEP afin qu'elle paie rapidement les éditeurs à condition que ces derniers s'engagent à payer tout aussi rapidement leurs dettes auprès des imprimeurs. Il est bien entendu trop tôt pour faire le bilan de cette action, mais d'aucuns reconnaissent qui si l'initiative en question n'a pas réglé le fond du problème, elle apporte une bouffée d'oxygène aux entreprises qui avaient de gros problèmes de trésorerie. Ce n'est qu'un premier pas dans la résolution du problème qui requiert certes un traitement financier mais, aussi et surtout, une action en profondeur sur l'organisation et le mode de fonctionnement des entreprises du secteur. On doit en effet se rendre à l'évidence que tant que les relations commerciales interentreprises ne sont pas assainies et soumises aux règles universelles du commerce, les mêmes causes reproduiront les mêmes effets, perpétuant ainsi la confusion qui règne dans ce secteur sensible et vulnérable aux manipulations politiciennes. La solution se trouve dans la législation algérienne en vigueur (code de commerce, codes civil et pénal, ordonnance relative à la gestion des EPE, etc.), qui définit parfaitement ce que doivent être les droits et obligations des entreprises à vocation commerciale. Il ne reste qu'à les appliquer et autant que possible correctement.