Le spectre de la déstabilisation de l'égypteLes traces du dernier attentat du quartier populeux et commerçant de Khan El Khalili le 7 avril dernier, qui avait fait trois morts parmi les touristes, n'ont pas été effacées que les Cairotes renouent de nouveau avec la violence terroriste. Samedi, la capitale a été secouée par deux attentats perpétrés à une heure d'intervalle ciblant toujours des touristes. Le premier attentat a eu lieu à la place Abdel Moneim Riyad, située à proximité du Musée du Caire, un haut lieu touristique très visité par les touristes. La déflagration dans cette zone de transit des touristes, où se trouve la gare routière du Caire, s'est soldée par une victime de nationalité égyptienne et 8 blessés, dont deux Israéliens, un Italien, un Russe et quatre Egyptiens. Les circonstances dans lesquelles a eu lieu cet attentat ont surpris les services de sécurité égyptiens autant par son caractère rocambolesque que par le fanatisme poussé à son paroxysme de l'auteur de l'attentat, un kamikaze qui s'est transformé en bombe humaine en se jetant du haut du pont du 6 Octobre sur un groupe de touristes. Le terroriste qui avait péri dans l'attentat était un membre du commando qui avait perpétré l'attentat du 7 avril contre des touristes à Khan Khalili faisant trois morts, deux touristes français et un américain. Le second attentat avait ciblé le quartier de Sayyeda Aicha où se trouvent les grandes mosquées d'Al Rifai et du sultan Hassan très fréquenté par les touristes surtout en cette période de haute saison touristique en Egypte. Bilan : deux morts, deux femmes terroristes abattues par les services de sécurité alors qu'elles avaient ouvert le feu sur un autobus de touristes. Cette stratégie des groupes terroristes ciblant des touristes, si elle a été déjà expérimentée en Egypte avec les conséquences que l'on sait notamment à Louksor, haut lieu du tourisme portant un rude coup à l'activité touristique dans le pays qui constitue la première richesse nationale, les attentats de samedi et auparavant celui ayant visé le bazar de Khan El Khalili ont révélé de nouveaux éléments pour les enquêteurs. Outre la jeunesse des activistes, les auteurs des derniers attentats ont cette particularité d'être inconnus des services de sécurité ; ils ne sont pas fichés et ne font pas partie des réseaux intégristes islamistes traditionnels connus en Egypte et étroitement surveillés par la police comme la jamaa islamya ou le Djihad islamique. Cette nouvelle réalité du terrorisme en Egypte a pris de court les services de sécurité qui devraient désormais compter avec cette nouvelle donne dans leur lutte antiterroriste. On parle de nouvelle génération de terroristes de « djihadistes juniors » fanatisés à outrance avec pour mission de s'attaquer aux étrangers. Ces nouvelles cellules qui échappent à la vigilance des services de sécurité pourraient faire encore très mal dans la mesure où il s'agit, selon les premières informations, de groupes isolés qui sont le produit de la misère sociale, de l'absence de perspective pour les jeunes et de la répression des libertés par le règne sans partage du régime de Hosni Moubarak pendant près d'un quart de siècle. Les autorités égyptiennes, qui ont fait du tout sécuritaire le socle de leur stratégie de lutte antiterroriste avec des résultats techniques probants, mesurent aujourd'hui l'inefficience à long terme d'une telle stratégie. « Le chômage, la corruption, les tensions régionales en Irak et en Palestine et le peu d'empressement du pouvoir à s'opposer à la politique américaine et israélienne favorisent la multiplication des groupes de ce type », affirme un analyste égyptien.