« Je suis né d'une mère folle. Très géniale, elle était généreuse, simple. Et des perles coulaient de ses lèvres. Je les ai recueillies sans savoir leur valeur. Après les massacres de 1945, je l'ai vue devenir folle. Elle est la source de tout. » Kateb Yacine Les tragiques événements du 8 mai 1945 ont bien peu inspiré les cinéastes algériens, contrairement à la Guerre d'Algérie, qui reste le thème prépondérant d'un grand nombre de nos fictions. Peut-être que l'explication réside quelque part dans ces rudes maquis où est né le cinéma algérien, dans l'urgence et avec les moyens de bord. L'un des premiers films à se pencher sur ces événements tragiques qui marqueront un tournant décisif dans l'histoire de l'Algérie, est « Noua », de Abdelaziz Tolbi. Un téléfilm de 90 minutes, réalisé en 1972 et adapté d'un roman de Tahar Ouettar. Cette œuvre met en scène une jeune adolescente de milieu pauvre qui découvre peu à peu le monde au moment de l'insurrection du 1er octobre 1954. Les paysans algériens subissent l'autorité du gouvernement français qui leur impose fortes taxes, réquisitions des terres et embrigadement dans les troupes militaires en Indochine. Les massacres du 8 mai 1945 y sont brièvement abordés. Tout aussi brièvement que dans « Chronique des années de braise », de Lakhdar Hamina, 1974. Ce drame de 135 minutes est une chronique événementielle de l'histoire de l'Algérie, de la conquête française au déclenchement de la guerre de Libération nationale. Reposant sur un scénario de Rachid Boudjedra, ce drame met en scène la vie d'une famille et de quelques individus, à travers lesquels tout le peuple algérien résiste à l'expropriation de ses terres et à la déculturation. Les manifestations de Sétif, Kherrata et Guelma y sont abordées au passage. Pour le réalisateur, l'objectif était d'« expliquer pour la première fois comment est arrivée la guerre d'Algérie. Froidement abattu Cette révolte, qui est devenue la révolution algérienne, est non seulement contre le colonisateur, mais aussi contre la condition de l'homme », avait-il expliqué en 1975, lors de la sortie de son film, l'unique film algérien à avoir obtenu une Palme d'or. C'est du côté des documentaires qu'on traitera le plus cette partie de notre histoire. Notamment dans l'une des premières grandes réalisations algériennes : « L'Aube des damnés », de Ahmed Rachedi, 100 minutes, noir et blanc. Sortit en 1965, ce documentaire est anticolonialiste, en général, l'Algérie n'y étant qu'un cas particulier. Il évoque, entre autres, les massacres du 8 mai 1945, pour la partie algérienne, à travers un montage d'archives, un travelling su le produit de toutes les guerres de libération. Scénario de René Vautier, commentaires lus par Mouloud Mammeri, la guerre d'indépendance de l'Algérie réveille l'idéal révolutionnaire, dans « L'Aube des damnés », primé à Leipzig en 1965. Autres documentaires : « La Guerre de libération », 90 minutes, qui est une version corrigée du film « Insurrectionnelle », de Farouk Belloufa qui retrace ces événements tragiques. Ou encore « Les massacres de Sétif. Un certain 8 mai 1945 », de Mehdi Lallaoui et Bernard Langlois, réalisé en 1994. Ce 56 minutes, qui obtint le Grand Prix au Festival de Rueil Malmaison et qui a été également primé au Festival du Scoop et du journalisme d'Angers en 1995, retrace pour la première fois la répression de cette sombre journée. On voit des soldats français mettre en joue un Algérien désarmé, devant sa tente, entouré par ses chèvres. L'homme lève les bras en signe de reddition, mais il est froidement abattu. Une autre séquence montre un gendarme français tuer un Algérien, de dos, à bout portant. Certaines images de ce documentaire n'ont, pourtant, pas été tournées à Sétif en 1945, mai à Aïn Abid (à 60 km de Constantine), le 20 août 1955, lorsque la répression reprenait à l'Est algérien. Ces images font partie d'un film, symbole de la répression antialgérienne de 1945, réalisé en 1955 par l'opérateur français Georges Chassagne.