C'est un chiffre troublant. Il a été rapporté dans un article du quotidien « El Khabar », l'autre semaine, et n'a provoqué ni démenti ni réaction les jours suivants. Les compagnies pétrolières étrangères, associées de Sonatrach dans le cadre des contrats de partage de production, auraient rapatrié plus de 3,5 milliards de dollars en 2004 au titre de leurs dividendes d'exploitation. Le ministre de l'Energie et des Mines s'est bien gardé d'en faire état dans sa communication officielle des derniers mois. Et pour cause : le montant est supérieur au total des investissements réalisés dans le secteur durant la même année. Il est aussi plus important que le total des rentrées de capitaux étrangers destinées à l'économie hors hydrocarbures. A quelques centaines de millions de dollars près et la balance entrée-sortie de capitaux serait même négative, l'année dernière. En fait, le risque est grand qu'elle le devienne dans les années qui viennent puisque, pour des investissements déjà réalisés dans les années passées, les compagnies pétrolières étrangères vont engranger des revenus plus grands grâce à l'effet volume, si les prix devaient se maintenir aussi haut. 3,5 milliards de dollars expatriés par des étrangers sous le régime de change de la Banque d'Algérie, voilà donc un autre record, après celui des exportations puis celui des importations que le gouvernement n'a pas affiché à son bilan de l'année écoulée. En vérité, si le chiffre devait se confirmer, il poserait un cuisant problème de contrôle des comptes des entreprises étrangères opérant dans le Sahara, et plus largement du suivi des partenariats hors hydrocarbures. Il est totalement invraisemblable que ce montant corresponde aux seuls bénéfices réalisés. Les compagnies étrangères ont engrangé entre 4,5 et 5,5 milliards de dollars compte tenu de leur niveau de production actuel. Le montant rapatrié suppose un taux de profit après imposition supérieur à 70%. On savait l'activité dans les hydrocarbures rentable, en particulier dans le Sahara algérien. Elle devient miraculeuse avec un tel retour sur investissement. Les compagnies pétrolières étrangères ont manifestement changé en devises puis envoyé à l'extérieur bien plus que leurs bénéfices de l'exercice précédent. En théorie, cela ne devrait pas pouvoir se répéter plusieurs années de suite car ce serait du désinvestissement. Or la promesse d'extraire des quantités plus grandes de pétrole et de gaz et de faire ainsi de gros profits devrait suffire pour protéger l'activité hydrocarbure du désinvestissement. Les 3,5 milliards de dollars expatriés seraient donc un signal d'alarme. Sans frais aujourd'hui dans un secteur dopé par les cours mondiaux, autrement plus lourd de conséquence demain, s'il advenait du côté du propriétaire indien de l'ex-Sider ou allemand de la branche détergents. Marchés plus exposés. Partenaires plus fugaces. Toujours ouverts à la tentation de retirer ses billes d'un gouffre sans fond. Ce que la législation ne tolère pas. Mais peut-on compter sur la Banque d'Algérie qui n'a pas vu se développer l'escroquerie d' El Khalifa bank pour empêcher les engagements financiers des partenaires étrangers repartir d'Algérie au premier retournement de marché ? Une chose est déjà acquise. Les comptes des compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie seront traités par la future ALNAFT, l'agence qui régulera l'activité ouverte de prospection et d'exploitation sur le domaine minier national. Elle aura un avis à donner sur le montant transférable correspondant aux dividendes. Sauf si dans l'intervalle le Président Bouteflika ne décide de modifier la législation de change dans un sens plus permissif pour les étrangers à la faveur du nouveau pas de « danse du ventre » qui s'esquisse « pour attirer plus de capitaux chez nous ».