Moins d'une semaine après son installation à la tête du ministère des Finances, Mourad Medelci a mis fin aux fonctions du directeur général du Trésor, M. Kessali - qui a repris son poste d'origine - pour être remplacé par Baba Ammi Hadji, un des anciens cadres de ce ministère, a-t-on appris de sources proches de ce secteur. Le ministre a également confirmé à leur poste (ils étaient intérimaires) le directeur général du budget, Larbi Boumaza, et le directeur de son cabinet, Mohamed Nadjib Haïf. Par ailleurs, le ministre des Finances, agissant en tant que président de l'assemblée générale des banques publiques, a demandé, dans une correspondance adressée hier aux conseils d'administration du CPA, de la BADR, de la BEA et de la CNEP Banque, qui, faut-il le préciser, ont le statut de sociétés par actions (SPA), de procéder au renouvellement de leurs présidents-directeurs généraux (PDG). Ces derniers auront donc la charge de convoquer les assemblées générales et proposer éventuellement les noms de leurs successeurs. Selon nos sources, les noms de ces derniers sont déjà connus et les conseils ne feront qu'entériner les décisions de nomination. Ainsi, seul le PDG de la Cnep Banque a été maintenu à son poste, mais a été désigné à la tête de la Badr. Les trois autres PDG vont quitter leur poste pour le céder à leurs directeurs généraux adjoints respectifs. Il est question, nous a-t-on signalé, de mettre aux commandes de ces banques des cadres choisis parmi les compétences internes à l'entreprise. Cette nouvelle, non encore annoncée officiellement, a fait l'effet d'une bombe dans le milieu financier, même si, au fond, elle était prévisible eu égard au sévère réquisitoire du président de la République contre les banques publiques. Le premier magistrat du pays a reproché à ces institutions le retard enregistré en matière de modernisation et de réforme, mais également le fait d'avoir bloqué des sommes colossales en devises au moment où le pays avait besoin d'encourager l'investissement. Néanmoins, certains cadres du secteur financier ont lié ces changements à l'ouverture par le président de la République du lourd dossier des crédits alloués par les institutions financières publiques à des opérateurs privés, au début des années 2000. En effet, quelques semaines avant son départ, l'ancien ministre, Abdelatif Benachenhou, a saisi l'Inspection générale des finances (IGF) pour l'ouverture d'une enquête sur les conditions d'attribution des crédits à certaines sociétés privées. « Anomalies » Selon nos sources, le ministre a été chargé par le Président pour suivre personnellement l'enquête de l'IGF, qui a surtout touché les plus importantes opérations de crédits accordés à partir de l'an 2000 par la Badr, la Cnep Banque, le CPA et la BEA aux entreprises privées Tonic Emballage, Sim, Blanky et Sopel. « Il est question de mettre la lumière sur les conditions d'attribution de ces crédits et de voir si les banques ont pris toutes les précautions nécessaires pour garantir leur remboursement. Les premiers résultats de l'enquête préliminaire font déjà état de plusieurs anomalies. Beaucoup ont pensé que ce dossier allait être fermé avec le départ du ministre Abdelatif Benachenhou. Une fois installé, son remplaçant, certainement sur instruction du Président, a demandé la poursuite des investigations, en dépit de certaines volontés internes au ministère qui voulaient mettre le dossier dans les tiroirs... » Selon nos interlocuteurs, en s'attaquant à un tel dossier, l'ex-ministre a provoqué « un véritable séisme qui pourrait être l'une des raisons qui ont provoqué son départ... ». Néanmoins, le dossier est resté ouvert, sur instruction du président de la République. Si l'on en croit nos sources, 2006 sera l'année butoir pour le compte à rebours des remboursements de ces crédits colossaux accordés par les banques publiques aux opérateurs privés. C'est dans ce cadre que tout un dispositif législatif lié notamment à la lutte contre le blanchiment d'argent et à la corruption est en train de se mettre en place, et ce, parallèlement au lancement d'une série de formations spécialisées dans ce domaine destinées aux magistrats et aux services de la police judiciaire (PJ) en prévision des affaires qu'ils pourraient prendre en charge.