Après des semaines de rumeurs et de contre-rumeurs, le suspense a été rompu hier à 18h, jour de repos pour les travailleurs. Le nouveau gouvernement est enfin connu. La liste est répercutée par l'agence officielle APS. Pas de grandes surprises. Abdelatif Benachenhou, ministre des Finances, devait partir. Il est parti. L'opinion publique ignore les raisons du départ de celui présenté comme un proche du président de la République. Des cercles d'initiés avaient, des mois durant, parlé de « désaccord » sur la nature des réformes économiques. Moins « médiatique », Yahia Hamlaoui, qui devait mener le train des privatisations des entreprises d'Etat, quitte le Palais du gouvernement. Sans bruit. A-t-il échoué dans sa tâche ? Possible. Hamid Temmar, qui a passé ces derniers mois dans la discrétion de la présidence de la République et qui a, avant l'élection présidentielle d'avril 2004, mené campagne pour défendre le bilan de Abdelaziz Bouteflika, revient au ministère où il était déjà auparavant : celui des Participations et de la Promotion des investissements. Du coup, il y aura des en-têtes à changer dans les imprimés. Temmar sera donc Monsieur privatisation. Sa méthode sera-t-elle plus « prenante » que celle de Hamlaoui ?Noureddine Boukrouh est parti lui aussi. Il se dit, ici et là, qu'il aurait mal géré le dossier de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Mais dans la pratique des « remaniements » ministériels en Algérie, on n'explique jamais pourquoi un membre du gouvernement est « remercié ». Cela dit, on sait qu'à la fin février 2005, le ministre du Commerce avait « finalisé » le processus d'adhésion de l'Algérie à l'OMC. C'est du moins ce qui a été raconté officiellement. Le flambeau, à supposer que la continuité soit une culture dans l'Etat algérien, est repris par El Hachemi Djaâboub, ex-ministre de l'Industrie. L'homme, chuchote-t-on, aurait fait ses preuves dans le secteur. Ancien ministre du Commerce, Mourad Medelci quitte son poste de conseiller économique du chef de l'Etat pour reprendre le ministère des Finances. Il avait occupé ce poste sous le gouvernement Ali Benflis en 2001. Libéral à sa manière, Mourad Medelci reste un fervent défenseur de la réforme des finances publiques et celle des systèmes d'accès aux marchés publics. Comme Benachenhou, il est favorable à la limitation des dépenses de l'Etat. A l'image d'Ahmed Ouyahia, maintenu pour la troisième fois à la tête du gouvernement depuis 2003, Mourad Medelci est un partisan du « pacte social ». Un « pacte » à l'état de projet depuis au moins... dix ans. Amar Tou, diplômé en économie, remplace Mourad Redjimi au ministère de la Santé. Diplômé en économie également, Boudjemâa Haïchour quitte le département de la Communication et occupera le poste de Tou au ministère de la Poste et des Technologies de l'information. Redjimi, qui a eu à faire face à des dizaines de mouvements de grève dans son secteur, ne fait plus partie de l'Exécutif. Appelé à d'autres « fonctions » ? Mystère. L'habitude est que les ministres partent sans rendre des comptes. Le siège de Haïchour est resté vacant. Le communiqué officiel apporte cette précision : « Les fonctions de ministre de la Communication et de ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté à l'étranger, seront pourvues ultérieurement. » Aucune date n'est précisée. Aucune information sur la non-nomination de ministres. Faut-il y voir des liens avec la célébration demain de la Journée mondiale de la liberté de la presse ? Ou faut-il s'attendre à une suppression pure et simple du département de la Communication, expérience déjà tentée sous le gouvernement Mouloud Hamrouche au début des années 1990 ? A analyser naïvement le jeu du remplacement-déplacement, il y a un bon paquet de prétendants au poste de ministre de la Communication, même s'il n'y a aucun spécialiste du secteur. Autre secteur sensible : la Défense. Et il y a une « petite » nouveauté. Abdelmalek Guenaïzia, général à la retraite, ancien chef d'état-major de l'ANP et ancien ambassadeur d'Algérie en Suisse, est nommé ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale. Abdelmalek Guenaïzia, qui sera un civil à la tête de ce département puisqu'il ne fait plus partie des rangs de l'armée étant à la retraite, aura, en théorie, à faire la jonction entre le président de la République et l'état-major de l'ANP. ANP en phase de professionnalisation. Cela dit, Abdelaziz Bouteflika demeure ministre de la Défense. Les prérogatives de Guenaïzia restent à définir. Comme celles de Boujerra Soltani, chef du MSP, nommé ministre d'Etat et de Abdelaziz Belkhadem, ex-ministre des Affaires étrangères et secrétaire général du FLN, chargé de la mission de représentant personnel du chef de l'Etat. Poste déjà occupé par Ahmed Ouyahia avant d'être rappelé à la tête du gouvernement. Soltani et Belkhadem, deux chefs de parti, sont donc des ministres sans portefeuille. Mohamed Bedjaoui, président du Conseil constitutionnel, est appelé à s'occuper du ministère des Affaires étrangères. Ancien magistrat à la Cour internationale de La Haye (Pays-Bas), Mohamed Bedjaoui, réputé proche du chef de l'Etat, compte beaucoup d'amis en France. Devenu célèbre pour ses coups de gueule télévisés, Yahia Guidoum, ancien ministre de la Santé, revient aux affaires. Il est chargé du ministère de la Jeunesse et des Sports. Guidoum, qui n'a pas quitté la planète du RND, est resté silencieux ces dernières années. Abdelaziz Ziari, ex-ministre des Sports, est chargé du ministère des Relations avec le Parlement. Ce département est érigé en ministère pour la première fois depuis l'existence du pluralisme politique dans le pays. Nourredine Moussa, cadre du secteur du bâtiment et administrateur de l'hôtel El Aurassi, est appelé à occuper le ministère du Tourisme. Il remplace Mohamed Seghir Kara qui rejoint la liste des partants. Annoncé par les bruits de salon au ministère de la Défense, Noureddine Zerhouni est maintenu au département de l'Intérieur. Tout comme Boubekeur Benbouzid qui reste au ministère de l'Education. Il bat désormais tous les records de longévité : 13 ans au gouvernement ! Tayeb Belaïz garde son poste de ministre de la Justice, Chérif Rahmani celui de l'Aménagement du territoire, Mohamed Maghlaoui des Transports et Abdelmalek Sellal des Ressources en eau. Le reste, sans changements notables...