La France s'émeut. Le discours du président Abdelaziz Bouteflika, lu à l'occasion du 60e anniversaire du génocide du 8 Mai 1945 à Sétif, a suscité moult réactions officielles et médiatiques en France. Il a eu au moins le mérite d'interpeller la conscience française sur une page d'histoire occultée depuis plus d'un demi-siècle. Que cache cette levée de boucliers ? C'est d'abord, et avant tout, un parjure et un déni de justice pour tous les martyrs de l'Algérie et des colonies. Le refus de repentance dit en termes clairs que la guerre d'Algérie n'est pas finie. Elle est alimentée par la haine des nostalgiques de la défunte Algérie française auxquels se sont joints les révisionnistes de tous bords y compris parmi les parlementaires français à l'origine de l'infamante loi 2005/158 du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». « Avancer sur le chemin de la mémoire », c'est d'abord avoir le courage d'assumer l'histoire de son propre pays dans sa globalité, loin de toute approche sélective et réductrice du fait colonial qui est, de par son idéologie, un fait raciste. L'armée coloniale expérimenta l'extermination par le gaz un bon siècle avant l'Allemagne nazie. Les enfumades et emmurements dans le Dahra - dans la région mostaganémoise - des tribus Sbih en juin 1844 par le colonel Cavaignac et des Ouled Rhiah le 19 juin 1854 par le colonel Pélissier ; les fours à chaux de Guelma (mai 1945) ; les cuves à vin (1957) des colons de Tlemcen, Sidi Bel Abbès, ou Zéralda ; le gazage des habitants du Dahra qui s'étaient réfugiés dans Ghar Layachine (1959) - pour ne citer que ces quelques exemples - ne sont nullement une vue de l'esprit. Le charnier de Chréa, dans la wilaya de Tébessa, qui compte pas moins de 651 cadavres en dit long sur « l'œuvre accomplie par la France en Algérie... » (loi 2005/158). Le meurtre collectif était devenu banal, la mort des Algériens un simple fait divers classé dans la rubrique des chiens écrasés. Ce qui s'est passé un certain 8 mai 1945 en Algérie et les jours suivants ne procédait pas du hasard ou de quelque incompréhension que ce soit. La responsabilité d'un gouvernement légal est entière. C'est au nom des intérêts suprêmes de la France qui combattait pour sa libération que l'homme du 18 juin 1940 ordonna froidement (le 14 août 1944 puis le 12 mai 1945) le massacre des Algériens. La responsabilité de l'Etat français et de la nation est entière. Il faut que les opinions publiques française et internationale sachent que la France a commis un véritable génocide à l'endroit du peuple algérien en mai 1945 qui a été de surcroît couvert par les Alliés qui ont failli à la parole donnée. La repentance reste pour le peuple algérien une condition sine qua non en vue de la conclusion du futur traité d'amitié franco-algérien. La construction du futur est indissociable du devoir de mémoire. Pr Mohammed El Korso Président de l'Association du 8 Mai 1945