Cédé au prix de gros à moins de 12 DA le kg, la pomme de terre a littéralement envahi les espaces commerciaux. A telle enseigne que, chez les fellahs de la région, c'est la panique générale. Car, à ce prix, aucun producteur ne peut rentrer dans ses frais. Même les plus performants d'entre eux qui, en recourant à des variétés très productives, à l'instar de la Bartina ou de la Spunta, espéraient des rendements substantiels. Car, au prix de la semence qui a parfois atteint les 7 000 DA le quintal, ainsi que les intrants sans lesquels aucune performance n'est permise, auxquels il faudra adjoindre les frais de traitements phytosanitaires et des irrigations, font qu'à moins d'un rendement moyen de 300 q/ha, aucune marge bénéficiaire substantielle ne sera possible. Car, si rien n'est fait pour enrayer le spectre d'une faillite annoncée, il est quasiment certains -à moins d'un miracle fort improbable sur les cultures tardives des terres intérieures- que d'énormes tensions sont à craindre sur le marché. Notamment durant la période automnale pendant laquelle les faibles rendements des cultures d'arrière-saison -qui s'expliquent essentiellement par le recours à des semences de mauvaise qualité reproductive- ne peuvent pallier les besoins de la population. Tout a commencé le jour où des paysans se sont précipités chez les importateurs pour accélérer les arrivages de semences. Alors qu'habituellement les premiers sacs ne sont débarqués qu'à la fin novembre, c'est dès la première semaine qu'un premier bateau accostera au port de Mostaganem. Rapidement ce sera la ruée. Les fellahs forceront la nature en semant dès la première quinzaine de novembre. C'était sans compter sur la rigueur exceptionnelle de l'hiver. Tant et si bien que les tubercules resteront en terre plus de deux mois avant de lever. Le froid intense et les chutes de neige de la fin janvier feront le reste. Alors que, sur la bande côtière, les températures gélives seront amoindries par la proximité de la mer, il en sera tout autrement dans les terres intérieures. Ce qui aura pour conséquence de prolonger le cycle du végétal d'au moins 3 semaines. Ainsi, au lieu d'étaler la récolte sur une longue période, l'ensemble des cultures arrivera à maturité sur la même ligne d'arrivée. D'où les énormes encombrements que l'on observe sur les marchés. Et leurs conséquences dramatiques sur le prix de vente et la rentabilité des exploitations. Déjà, chez les grainetiers qui recourent au crédit remboursable à la récolte, c'est le désenchantement qui précède l'effondrement. Ils sont absolument convaincus que leurs clients auront beaucoup de mal à rembourser. Ce qui ne présage rien de bon pour la future campagne. Du côté de Bouguirat, chaque jour les arrivages sont de plus en plus importants, à tel point qu'il est devenu impossible de se frayer une place sur le marché. Il y a également le recours à l'entreposage de la pomme de terre d'arrière-saison qui s'écoulera difficilement à moins de 7 DA le kg. Selon certaines analyses, c'est également le volume des semences importées qui avoisine les 115 000 quintaux, un véritable record qui serait à l'origine de cette tension passagère. Habituellement, nos besoins en semences fluctuent entre 85 000 et 100 000 q. L'inflation sur les quantités importées -que certains expliquent par l'augmentation du trafic transfrontalier vers le Maroc qui avoisinerait les 35 000 q- aura pour première conséquence une véritable surproduction que les faibles rendements enregistrés sur les semis précoces n'auront que partiellement entamée. Seul le recours à une véritable régulation impliquant les pouvoirs publics, pourra atténuer les tensions sur le marché. A défaut, ils sont nombreux à parier que la filière risque de connaître un étranglement dommageable.