Connu pour ses dégâts fulgurants, tant sur le vignoble que sur la pomme de terre, le mildiou n'aura pas failli à sa réputation. En effet, après la gelée noire qui avait occasionné des dégâts importants sur les champs de pomme de terre, l'apparition du mildiou était fortement appréhendée par les spécialistes ainsi que quelques rares agriculteurs. Pourtant, les conditions météorologiques favorables auraient pu inciter les cultivateurs à prendre des précautions d'usage en pareille situation. Mais, encore une fois, leur vigilance sera prise en défaut. Trop occupés à sauver les champs plus précoces qui avaient miraculeusement échappé à l'attaque de gelée noire, les fellahs des plaines intérieures de Sirat, Bouguirat, Fornaka, Touahria, Saf Saf et Mesra ne s'attendaient pas à une attaque surprise comme c'est la coutume chez ce redoutable champignon. Profitant d'une forte hygrométrie provoquée par plus d'une semaine d'averses, et à la faveur d'une nuit sans le moindre souffle d'air, les spores du champignon qui était à l'état quiescent se réveilleront en une poussée fulgurante qui allait brûler, en l'espace de quelques minutes, des parcelles entières de pomme de terre. Au lever du jour, dans toutes les zones concernées, ce sera la désolation et le désespoir chez ces fellahs que le sort venait encore une fois de frapper. En effet, après avoir subi le diktat de certains importateurs véreux et sans scrupules -qui ne se gêneront pas pour doubler, voire tripler les prix de cession de la semence-, suite à un décalage des dates de semis que l'arrivée tardive des semences ne peut à elle seule expliquer, ces agriculteurs auront su accomplir un parcours technique laborieux et complexe. A tel point que la plupart d'entre eux ne parviendront pas à se payer les nombreux et répétés traitements que la situation exigeait. Car, de mémoire de fellah, jamais les mois de mars et d'avril n'auront été aussi pluvieux que durant cette année. Une véritable aubaine pour le remplissage des nappes dont le niveau transgressait depuis plusieurs saisons consécutives, la ligne rouge qui annonce la sécheresse. Ce qui explique en partie les relâchements constatés dans la lutte préventive contre le mildiou. Système d'alerte inopérant Alors que la pluie avait bien été annoncée par les services de la météo, il ne se trouvera aucun technicien des services publics pour donner l'alerte chez les paysans dont les terres sensibles sont aisément identifiables. La catastrophe, à défaut d'être évitée, aurait eu des conséquences moins dramatiques pour ceux qui avaient encore quelques moyens financiers pour acheter les fongicides. Du coup, c'est toute la filière de la pomme de terre qui vient d'être sérieusement ébranlée. Les premières récoltes du début du mois d'avril avaient réussi à faire baisser les prix de 50 à 25 DA. Durant la semaine dernière, au niveau des champs, le quintal était cédé entre 17 et 23 DA. Avec cette destruction de centaines d'hectares de pomme de terre tardive, la région de Mostaganem devra se résigner à réduire sa quote-part d'au moins 30%. Un manque à gagner pour les fellahs et pour le pays, qu'il sera très difficile de rattraper avec les régions productrices de Aïn Defla, Mascara, Maghnia, Boumerdès, Tipaza et les plaines intérieures du nord constantinois. Pour les producteurs de la région de Mostaganem, c'est une année noire qui s'annonce. Avec des frais à l'hectare qui auront atteint pas moins de 50 millions de Cts, des achats à crédit qu'ils ne pourront en aucune manière honorer, c'est la descente aux enfers avec en perspective l'impossibilité pour ceux ayant des dettes d'accéder à la semence lors de la prochaine campagne. Même si personne n'ose y songer, l'idée d'une déclaration de catastrophe naturelle pour toutes les zones concernées devrait faire actionner la solidarité nationale.