Le cinéma d'Asie omniprésent au festival de Cannes constitue souvent une bonne surprise. Shangaï Dreame, film chinois en compétition de Wang Xiacshuaï, retrace avc talent des lieux et des êtres d'un univers surchargé de mémoire : celle du cinéaste lui-même. L'histoire du film se passe dans une petite ville de l'ouest de la Chine, la Chine de l'intérieur. Cette ville est mise en valeur avec l'arrivée massive dans les années soixante d citadins-ouvriers venus de la région de Shangaï. Vers le milieu des années soixante, le gouvernment chinois, craignant un conflit avec l'URSS, demande aux usines les plus importantes stratégiquement (dans le film il s'agit d'une usine d'armements) de s'installer à l'intérieur du pays pour y former la « troisième ligne de défense ». Beaucoup de travailleurs et leurs familles ont suivi leurs usines. Dans Shangaï Dreams (les rêves de Shangaï), Wang Xiacshuaï, qui a vécu quand il était jeun cet exode avec ses parents, montre que si certains réussissaient à s'intégrer dans leur terre adoptive et oublier Shangaï, d'autres au contraire vivent pendant des années dans le regret et la nostalgie de leur vie ancienne dans la grande métropole. A Guichou, un père de famille ?? sans cesse l'espoir du retour pour que ses enfants puissent aller à l'université. Au contraire, sa fille et son fils se sont adaptés à leur environnement, avec leurs amis, leurs habitudes, leurs amours et refusent de partir. Le film explore avec une grande finesse ce fessé de génération. Ce film est une brillante illustration du sérieux et de la liberté de ton qui caractérisent le cinéma chinois actuel. Une qualité très palpable caractérise aussi le film du cinéaste israélien Amos Citai, présenté en compétition : Free Zone, il filme avec beaucoup de tendresse une aventure qui lie une Américaine, un Palestinienne et une Israélienne dans un contexte de conflit. Les trois actrices de Free Zone Matalie Portman, Miam Abbass et Manna Lasle donnent une si grande performane que cela nous loue le regard à l'écran. Le film d'Amos Citai a aussi une autre belle vertu (tout comme le film d'Elia Suleïman), c'est de rendre des scènes jubilatoires même quand la situation devient dramatique, comme la terrible chronique des voyageurs qui s'approchent d'un poste de contrôle israélien, ou de la frontière israélite-jordanienne (côté israélien). Beau film d'inspiration remarquablement progressiste. A Cannes, lisant dans El Watan les deux remarquables articles de Rachid Boudjedra sur le cinéma israélien, on se demandait comment il a pu anticiper si brillamment l'état d'esprit de ce film (tout en sachant que son propos portait sur les films précédents de Citaï et d'autres). Wim Wenders, lui aussi en compétition avec Don't com knockin, a reçu moins d'égards et suscité moins d'intérêt car tout en maîtrisant parfaitement la mise en scène de son film, il raconte une histoire dans les très grands espaces américains mais qui n'est pas tout à fait aussi belle ni attirants que celle de Paris-Texas. L'étrangeté, le mystère, le dépouillement de Paris-Texas on les chercherait en vain dans ce nouveau film. Sam Shepard joue ici un personnage au bout du rouleau, un acteur de Vestern qui recherche sa famille. On se perd à trouver à ce film un visage, une émotion, un grain de poésie. En plus il y a une overdose de Sam Shepard, filmé sous tous les angles. Un film qui semble avoir été fait à son usage exclusif... Dans la section un certain regard, cette année moins riche que l'an dernier, la Marocaine Leïla Marrakchi a commis un opus bien excusable (en raison de sa jeunesse, et c'est son premier long métrage) intitulé : Marock. Mais on sent comme un pitié pour la jeunesse dorée d Casablanca qu'elle filme. D'emblée l'expression est vulgaire, le jeu exacerbé, l'exhibitionnisme peu brillant. On a vu au cinéma et dans la littérature du Maroc la misère la plus grande, les bagnes de Hassen II, les barques de Tanger croulant sous le poids des jeunes en fuite. Voici maintenant avec Leïla Marrakchi le Maroc des super-riches, de la haute hiérarchie e l'argent, de la nomenklatura servile. Mais la cinéaste ne dit rien des parents, ça reste très flou : d'où sort tant d'argent ? Elle filme uniquement les gosses de riches du quartier Anfa. Et c'est pas de la tarte.