Il y avait foule de jeunes venus des quatre coins de la Croisette pour danser au Palm Beach... Il faut dire que dès la nuit tombée, la plage qui court tout le long de la côté cannoise se transforme en une grande discothèque. Les chanceux, cartons en main jouent, malgré cela, des coudes pour accéder au carré d'or... Au Palm Beach, il y avait la soirée donnée par l'Année de la culture arabe et le Cnca (le Centre algérien du cinéma) en l'honneur de Mohamed Lakhdar-Hamina, unique Palme d'Or arabe, à ce jour, pour Chroniques des années de Braise, en 1975... Beaucoup de choses pourraient être dites sur ces deux journées algériennes à Cannes, mais ce n'est ni le moment ni l'endroit. Une seule chose, pour ne pas jouer au trouble-fête, c'est de relever l'émotion de Lakhdar-Hamina accompagné, pour la circonstance, par l'ambassadeur d'Algérie en France, M.Missoum Sbih qui couvait de toute son attention la légende du cinéma algérien. Lorsque la musique s'arrêta et que, dans la grande salle il ne restait plus qu'une (grosse) poignée de retardataires, on annonça le discours du cinéaste-récipiendaire qui sera introduit par notre représentant en France, avec des mots justes et concis, le tout, d'élégante manière. Le détenteur de la Palme dorée, tout aussi ému parla de son parcours, mais surtout de son rêve de voir le cinéma algérien reprendre son envol. Une double Palme d'honneur est à attribuer au diplomate et au cinéaste pour avoir fait très bonne figure en honorant de leur présence l'engagement fait autour de cette soirée. Leur plaisir était beau à voir et c'est l'essentiel. Pour le reste, nous aurons le temps d'en parler entre nous. Ne gâchons pas la fête car n'oublions pas, qu'en 1975, des résidus de l'OAS avaient déposé une bombe derrière le Palais du festival, qui, fort heureusement, n'a pas explosé. Ils avaient manifesté, banderoles au vent, leur fiel, sur la Croisette et même qu'il s'était trouvé aussi en Algérie, certains pour tenter de torpiller ce sacre annoncé en encourageant la publication d'un article incendiaire afin de couper l'herbe sous les pieds de l'auteur du Vent des Aurès! Mais Jeanne Moreau et ses pairs en avaient décidé autrement et, courageusement, ce jury «osa» reconnaître que le talent n'avait pas de frontière: Hamina, Satyajit Ray, Robert Aldrich étaient dignes de figurer dans le gotha du cinéma mondial, parce que leur talent était incontestable! Tout comme le talent de Marjanne Satrapi qui en fait voir de toutes les couleurs aux turbans des mollahs de Téhéran qui ont stigmatisé le Festival pour avoir choisi un «cartoon» pour le montrer à Cannes. Il faut dire que Persépolis est un film incroyable qui fait rire, sourire, mais aussi soupirer et grincer des dents. Sans concession, Satrapi raconte l'histoire d'une fillette qui grandit avec la révolution khomeyniste mais aussi, plus tard, dans le monde occidental dans lequel ses parents l'ont «téléportée». Tout y passe, les travers persans et ceux de l'Occident. Mais une chose est sûre, Persépolis ne passera pas inaperçu devant le jury! Il pourrait constituer même une grande surprise.... Il s'annonce en concurrent sérieux du très noir (mais très fort) film roumain: 4 Lunes, 3 Semaines et 2 Nuits. Alexandra de Sokurov, le dernier cinéaste russe à faire honneur à la prestigieuse école soviétique, le VGIK, a aussi de fortes chances avec Alexandra de faire un hold-up cannois. Mais notre préféré reste le film le plus dur et le plus cinglant (et le moins cher) de cette compétition, l'autrichien Import / Export. Il parait qu'il a fait couler une larme au président du jury, Stephen Frears.... D'autres font pousser des cris sur leur passage, Brad Pitt et George Clooney, venus présenter Océan's 13. Clooney toujours aussi disponible, à l'engagement politique chevillé au corps, reste étonnant tant sa connaissance des grandes causes de la planète semble l'habiter constamment. Il est plus discret que Michael Moore, le documentariste ambigu, mais surtout le plus efficace...