Rencontré en marge du quatrième symposium international d'El Oued, Omar Ramdane, président du FCE, a bien voulu répondre à nos questions. Comment le forum des chefs d'entreprise que vous présidez apprécie-t-il le bilan des privatisations, quatre ans après la promulgation de la nouvelle législation censée faciliter le processus ? L'observation qu'on peut faire, quatre ans après la promulgation de l'ordonnance relative à la gestion des EPE et à la privatisation, est que le bilan est très faible. De plus, il y a peu d'informations susceptibles de permettre de tirer des conclusions précises sur ce qui a été privatisé. Quels ont été les secteurs favorisés ? Quelle est la forme de privatisation qui semble le mieux convenir aux entreprises ? Quelles sont les entreprises qui ont été privatisées ? Quels sont les acquéreurs ? Ce sont autant de questions auxquelles je ne peux vous répondre faute d'informations, ce qui qui entretient une certaine opacité. Lorsqu'il n'y a pas de transparence, la suspicion est permise. Il ne devrait pourtant y avoir rien à cacher et notre association, comme du reste toutes les organisations concernées, déplore ce manque d'information qui nous empêche d'apprécier le processus de privatisation engagé à sa juste valeur. Au vu des quelques estimations que nous avons pu faire, nous pouvons cependant affirmer que le bilan est plutôt faible. On a même l'impression que le processus de privatisation est en panne, puisqu'on voit très peu de transferts de propriété se concrétiser. Il en est de même pour le partenariat et les alliances inter-entreprises. Quant aux cotations en Bourse, elles sont bloquées depuis plus de cinq ans... Oui, parce que d'une part les opérations de privatisation qui ont réellement abouti sont très peu nombreuses au point où je peux vous les citer de mémoire. Nous ne sommes même pas sûrs que le processus de privatisation les concernant ait totalement abouti à l'octroi des titres de propriété aux nouveaux acquéreurs. Quant aux autres formes de privatisation (partenariat, cession d'actifs, etc.) on en compte très peu ou pas du tout pour ce qui concerne les cotations d'entreprises en Bourse. Vous avez donc raison de dire que le processus de privatisation est en panne. Pensez-vous qu'on peut aller loin dans le domaine de la privatisation avec un mode de gestion des entreprises publiques qui donne peu d'autonomie de gestion à leurs managers, les pouvoirs réels étant concentrés dans les mains des administrations et institutions publiques (SGP, ministères, CPE, etc.)... On avait compris que la privatisation a été confiée aux sociétés de gestion de participation (SGP) qui avaient la faculté de décider, même si c'est le CPE qui détient le pouvoir de décision final. Mais très vite, les SGP ont buté sur le problème de l'estimation des patrimoines des entreprises à vendre. Il en a résulté un flottement et une perte de temps qui ont enlevé tout son sens à ce dispositif qui se voulait rapide et décisionnel. Et si les PDG et les conseils d'administration des EPE avaient le pouvoir de décision, pensez-vous que les choses iraient plus vite ? Ma conviction est qu'il faut aller dans cette direction. Il faut responsabiliser les managers des entreprises à ces actions qui sous d'autres cieux font partie de la gestion courante. L'Etat doit seulement leur fixer le cadre réglementaire dans lequel doivent s'effectuer ces opérations. Les chefs d'entreprise devraient être les plus impliqués, car c'est eux qui savent exactement comment privatiser, quoi privatiser et avec qui il est intéressant de tisser des alliances. Il faut par contre les intéresser concrètement aux résultats, ce qui stimulerait leurs efforts. J'ajouterais que les chefs d'entreprise ne devraient pas hésiter à aller se renseigner sur les meilleurs moyens de privatisation à travers les expériences des pays qui ont le mieux réussi dans ce domaine. Il faut absolument faire confiance et intéresser les chefs d'entreprise aux résultats de la privatisation. Si elles rapportent beaucoup, il n'y a aucune raison de ne pas les en faire profiter. C'est, à mon avis, le seul moyen d'aller vite, sachant qu'il y a plus de 1200 entreprises à privatiser. Vous avez affirmé lors du quatrième symposium d'El Oued que la construction du ??????? des relations d'affaires et constitution d'alliances stratégiques interentreprises... En faisant l'historique des tentatives de création d'un marché maghrébin, ou si vous voulez de la communauté économique maghrébine, on se rend compte que c'est la politique qui a toujours primé. La volonté politique s'est dans tous les cas traduite par des rencontres périodiques sanctionnées de dizaines de protocoles d'accord concrétisés sur le terrain. Imaginez si on avait consacré tout ce temps à la création d'une compagnie maritime maghrébine, à la construction d'une autoroute qui démarre de Tripoli pour aboutir à Casablanca, qu'on ait également un train rapide faisait le même parcours et qu'on soit connecté au même réseau d'électricité, etc. Cela aurait engendré des flux commerciaux si forts qu'ils constitueraient un véritable rempart contre toute remise en cause de l'Union maghrébien. Les hommes d'affaires par leur nombre élevé et les relations qu'ils doivent entretenir entre eux constituent, à mon avis, le meilleur moyen de faire avancer un certain nombre de choses. Les élites économiques ont donc un grand rôle à jouer dans la construction de l'Union maghrébine... Les élites économiques ont effectivement un grand rôle à jouer parce que tout repose en réalité sur l'économie. Mais il n'y a évidemment pas qu'elles qui doivent être concernées. Les élites scientifiques, les médias, les associations, les organisations féminines doivent également être associés.