Ahmed Ouyahia, qui inaugure « un deuxième âge » à la tête du gouvernement, n'a pas raté l'occasion hier, à la faveur de la déclaration de politique générale, de s'accorder des bons points et de faire, pour les besoins de la cause, des comparatifs entre 2003 et 2004. Inutile de rappeler qu'Ahmed Ouyahia a succédé à Ali Benflis en mai 2003. Cela dit, le premier mandat de Abdelaziz Bouteflika a été, selon lui, celui de « la renaissance » de l'économie algérienne. « S'agissant du volume global des investissements y compris par le budget d'équipement de l'Etat, notre pays a engagé en 2004 un total de 1175 milliards de dinars, soit 32% du montant de 3677 milliards de dinars qui a été réalisé entre 1999 et 2003 », a déclaré Ouyahia hier à l'APN. Manière à lui, peut-être, de mettre en avant son efficacité. Selon lui, 256 milliards de dinars ont été investis en 2004 par le privé national. Puisant toujours dans le langage des chiffres, le chef du gouvernement a annoncé que le taux de chômage a atteint 17,7% en 2004. Mais cette évolution ne doit pas nous faire oublier qu'il existe actuellement dans notre pays près de 1 700 000 chômeurs dont 73% ont moins de 30 ans », a prévenu Ouyahia. Autre donnée surprenante : plus de 11 millions d'Algériens ont moins de 17 ans. « Ce chiffre nous interpelle pour mesurer, dès aujourd'hui, combien de millions d'emplois l'Algérie devra s'atteler à créer », a-t-il ajouté. Ouyahia est également préoccupé par le niveau dérisoire des exportations qui ne dépassent pas les 788 millions de dollars. En revanche, l'Algérie a importé, en 2004, plus de... 18 milliards de dollars. « Cette seule comparaison reflète la gravité de la fragilité économique dans le cas où le marché mondial du pétrole viendrait à connaître de nouveau un retournement », a appuyé Ouyahia en évoquant des « défis » à relever. Prudent, il a parlé « d'aisance relative » que connaît l'Algérie. Il rappelle, en cela, un autre discours : celui de l'ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou. Cela dit, la balance des paiements est excédentaire, selon les chiffres officiels, de 12 milliards de dollars. « L'exercice budgétaire écoulé s'est également achevé avec un solde positif », a annoncé Ouyahia sans autres précisions. Aucune donnée n'est avancée sur le montant réel du fonds de régulation des recettes. Ce fond prend le différentiel du prix du pétrole entre le marché et celui retenu dans la loi de finances (plus de 10 dollars). Pas de précision non plus sur le niveau de baisse du coût des crédits à l'investissement. Baisse liée, entre autres, à la stabilisation relative de l'inflation. La réforme du système bancaire livrera, selon Ouyahia, ses premiers résultats à la fin 2005. « Le nouveau système des paiements, en cours d'installation, changera la physionomie des prestations des banques locales », a-t-il dit. Ouyahia a appelé les entrepreneurs à faire preuve de plus d'efforts dans la mise à niveau des entreprises. « L'Etat, pour sa part, ne peut que soutenir », a-t-il indiqué. Satisfait du processus des privatisations, il a annoncé que 500 nouvelles offres vont être traitées par les pouvoirs publics. « Les privatisations et les partenariats formalisés ont été accompagnés de contrats portant sur plus de 70 milliards de dinars d'investissements pour la modernisation de l'outil productif cédé », a-t-il déclaré ajoutant : « Aucune privatisation ni aucun partenariat n'a entraîné la perte d'un seul emploi. » D'après lui, la nouvelle loi sur les hydrocarbures n'induit pas un recul de la souveraineté nationale. « Elle valorisera davantage nos capacités énergétiques par l'attrait de capitaux, notamment dans la prospection d'un territoire minier encore vierge pour moitié », a-t-il soutenu. pour une politique Salariale « raisonnable » Il a plaidé pour la mise à niveau des services de soutien à l'économie. « Nos ports ne sauraient demeurer dans un état qui fait que le coût de transport d'un conteneur entre l'Europe et l'Algérie est de 1000 dollars alors qu'entre les Etats-Unis et l'Europe, ce coût n'est que de 400 dollars pour une distance double », a-t-il relevé. Evoquant « les avantages comparatifs » de l'économie, le chef du gouvernement a plaidé pour une politique salariale « raisonnable » (la main-d'œuvre algérienne est réputée pour la faiblesse de son coût). Cette politique, selon lui, évoluera au prorata de la croissance, de l'inflation et de la productivité. « Ce choix a été arrêté au niveau du Conseil des ministres de septembre dernier », a-t-il dit. Autrement dit, pas d'augmentations salariales dans le proche avenir. Ouyahia a appelé les citoyens à se mobiliser dans la lutte contre les pratiques maffieuses qui « saignent l'économie nationale ». « Dans cette lutte, les partisans de la rente, qui ont prospéré pendant les années difficiles, tentent et tenteront d'entraver la consolidation de l'Etat de droit. Ils s'agiteront chaque fois que cela leur sera possible par les voies insidieuses de la rumeur, de la tentative de manipulation de la population et même par les voies de la menace et de l'agression », a-t-il prévenu. Le gouvernement est, d'après Ouyahia, résolu à veiller à s'appuyer sur la justice pour faire respecter la loi « qu'il s'agisse du crime, de la contrebande, de la corruption ». Ouyahia a appelé à « un consensus national » et à « la révision des mentalités » pour réaliser les réformes. « Des réformes qui ne sont pas une renonciation à la souveraineté nationale, ni un relâchement du patriotisme, ni même une atteinte à notre identité », a-t-il dit. S'il a défendu l'Alliance présidentielle (RND, FLN et MSP), « qui consacre la règle universelle de la majorité », Ouyahia s'est attaqué, en termes couverts, aux islamistes. « Aucune approche politicienne n'entravera la réforme du système national d'enseignement », a-t-il dit à propos de l'école.