Le président Bouteflika a fait appel, une nouvelle fois, hier, à Ahmed Ouyahia pour diriger le gouvernement en remplacement de Abdelaziz Belkhadem. C'est la seconde fois en neuf ans de pouvoir que le chef de l'Etat accorde en effet sa confiance au secrétaire général du RND. Le retour d'Ouyahia aux affaires, notamment à un tel niveau de responsabilité, constitue pour nombre d'observateurs de la scène politique nationale une surprise dans la mesure où il n'est un secret pour personne que les deux hommes ont eu durant trois années (de 2003 à 2006) une « cohabitation » des plus difficiles. Pour s'en convaincre, il suffit juste de se rappeler la manière avec laquelle Ahmed Ouyahia a été éjecté de son poste de chef du gouvernement par le président de la République en 2006 alors que son bilan était loin d'être mauvais. Ahmed Ouyahia, qui avait été appelé à l'époque à diriger le gouvernement dans un contexte de crise (poids de la dette, événements de Kabylie, séisme de 2003…), est parvenu en peu de temps à redonner à l'Etat une importante marge de manœuvre. Cela bien que certains membres de son gouvernement – réputés proches du président de la République – ont, il faut le dire, ramé à contre-courant de sa politique et tout tenté pour avoir sa tête. Il n'est pas à écarter aujourd'hui que le chef de l'Etat ait décidé de « rappeler » l'homme fort du RND pour les mêmes raisons qui l'avaient amené à le choisir comme bras droit en 2003 après le retentissant limogeage de Ali Benflis. C'est-à-dire sortir le pays de l'inertie et remettre au travail une équipe gouvernementale à laquelle – en attestent d'ailleurs les grèves organisées cycliquement par les syndicats autonomes, la flambée des prix des produits alimentaires, la panne économique du pays, la généralisation de la corruption, etc. – tout le monde reproche son manque d'imagination, son incapacité à répondre aux besoins les plus élémentaires de la population et, surtout, son inaptitude à concrétiser le programme sur lequel le président Bouteflika comptait pour rebondir afin de briguer un troisième mandat. Cela à plus forte raison que Abdelaziz Belkhadem et son équipe ont bénéficié, pour ainsi dire, de moyens illimités pour réaliser la feuille de route qui leur avait été fixée. Au regard du niveau de déliquescence atteint par les institutions du pays, il est évident qu'Ahmed Ouyahia aura fort à faire pour redresser la barre. Néanmoins, son expérience, sa connaissance des dossiers et des hommes plaident pour lui et font qu'il n'évoluera pas en terrain inconnu. Quoi qu'il en soit, il semble clair que l'avenir politique du président de la République paraît désormais lié à la performance qu'Ouyahia réalisera à la tête du gouvernement. Mais ceux qui ont vécu de près la décennie quatre-vingt-dix savent qu'Ahmed Ouyahia a déjà eu à gérer et se sortir de situations infiniment plus complexes. Abdelaziz Bouteflika le sait. C'est pourquoi, en bon pragmatique qu'il est, son choix s'est porté sur celui qu'il n'a jamais cessé de voir comme un sérieux rival, mais auquel il vient de reconnaître des qualités que ses proches, politiquement parlant, n'ont pas.