Voici un lustre jour pour jour que notre confrère et ami Kheïreddine Ameyar tirait sa révérence. « La mort, ce gendarme féroce et inflexible dans ses arrêts », qu'il s'est choisie pour rejoindre les quartiers éternels, lui le « social-houmiste », l'a brutalement ravi à l'affection des siens et à l'amitié de tous. La tragique nouvelle de son geste « hemingwaysque », immédiatement répercutée par les médias, avait jeté un émoi profond dans toute la profession et le landernau politique et culturel du pays. Un drame d'autant plus révoltant qu'il était inexplicable. Mais il était comme ça. Mi-créateur, mi-acteur. Il aurait aussi bien pu naître sous la plume d'un Henry Miller, de passage à Alger, tout comme il aurait figuré congrûment, sans dépareiller, assorti parfaitement aux personnages d'une œuvre de Tourguéniev. Cet Algérois « aânkaoui », un rien kéblouti yacinien, un grain de Fellini, un soupçon de Mickey Rourke et les lunettes de John Lennon, mais tellement lui-même dans la passion, limite théâtrale, qu'il appliquait à toutes les choses de la vie. Jusqu'à se priver de la sienne. Le journalisme, qu'il n'aimait pas voir « traverser dans les clous », il le vivait loin des niaiseries du troisième type qui « l'académisent » chaque jour un peu plus pour lui donner une fonction autre que la sienne. Et pourtant, « le rôle d'un oranger n'est-il pas de donner des oranges ? ». Bien de ses apophtegmes (ne cherchez pas dans le dico : ça signifie parole mémorable) circulent encore dans les rédactions et feront sourire des générations de reporters. « C'est faire revivre un homme que d'évoquer son nom », disaient les anciens Egyptiens, aujourd'hui, ceux qui l'ont apprécié murmurent au fond de leur mémoire celui de cet ami disparu un 9 juin.