Dix ans aujourd'hui, que disparaissait dans des circonstances tragiques Kheïreddine Ameyar. Un drame accablant pour son épouse, ses enfants et tous les siens qui ont reçu l'événement comme un terrible coup du sort. Une perte pour le journal qu'il avait co-fondé, qu'il dirigeait et auquel il voulait donner une fonction d'observateur politique et un ancrage sociétal. Sa mort, beaucoup de gens du métier s'en souviennent, avait provoqué la consternation dans toutes les rédactions. A la stupéfaction a succédé un navrement profond, car l'homme qui venait de quitter volontairement la vie, n'était pourtant pas de ceux qui démissionnent. Il cultivait, au contraire, une espèce de pugnacité intérieure qu'il murait derrière une intelligence instinctive et souvent impertinente. Mais il n'était pas que ... Sa disparition a été ressentie comme une mutilation fâcheuse pour la profession étranglée par le fil à plomb. Ennemi du journalisme vertical, qui se nourrit de marronniers et autres sujets bateau, écume médiatique qui fait vendre du papier, Kheïreddine Ameyar évitait la table à laquelle se gobergeaient les obèses intellectuels, malgré les invitations insistantes des gastronomes politiques. On se souvient que son journal avait connu de sérieux trous d'air et qu'il était même menacé de disparition. Journaliste tendance Kalam, il tenait de son amour pour la chimie, matière qu'il disait préférer aux autres, un certain rationalisme qui ne quittait pas sa gouaille insolente mais combien communicative. Kheïreddine, « social-houmiste », était fils de la Casbah d'Alger qui l'a vu naître et grandir dans un milieu modeste. Il en a hérité un certain art de vivre, un amour certain de la vie, et ... un bleu de Chine qu'il portait souvent au milieu de ces sultans de l'inutile, costumés en trois pièces et une cravate dans la tête. Pour parfaire la provoc, il glissait ostensiblement une chique qu'il callait d'un coup de pouce sous la lèvre, et ce mot féroce qui vous climatisait une discussion quand il ne la plombait pas, lorsque celle-ci sombrait dans le lieu commun. Mais où donc ce diable d'homme prenait-il le temps de lire et d'assimiler autant de choses à la fois. Il était déconcertant d'actualité. Un vrai chef d'agence ! Ce journaliste, parfait dans le commentaire et pointu comme rare dans l'analyse politique à chaud, manque toujours au paysage médiatique algérien, non qu'il soit irremplaçable. Kheïreddine était incomparable. Mais il n'était pas que ....