Au lendemain du blocage de la route qui mène vers la corniche, l'action menée par les habitants de la commune de Mers El Kebir a constitué hier le sujet principal des discussions des riverains. L'épineux problème de l'eau, cette goutte qui a fait déborder le vase, n'est pas résolu pour autant. « Cela fait un mois que nous n'avons pas reçu une goutte d'eau et chaque semaine je consacre environ 500 DA pour remplir mes quatre réservoirs de 200 l chacun », se plaint un participant à l'action, un parmi quelques centaines, qui achète son eau chez des particuliers qui viennent même parfois d'Oran vendre cette denrée rare à 1 DA le litre. « Cette quantité ne suffit pas, car il faut penser au ménage, à la cuisine, à la lessive, etc. sans parler de l'hygiène, car parfois je n'en trouve même pas assez pour prendre une douche le vendredi », ajoute notre interlocuteur qui a la chance de trouver un emploi dans un café. Le blocage de cette route de grande circulation a été entamé juste après la prière du vendredi et a duré jusque vers 18h. Des barricades de fortune ont été posées sur la chaussée pour altérer la circulation. Les services d'ordre, gendarmerie ou police, ont bien géré la situation car, malgré la présence des brigades antiémeute, la manifestation s'est déroulée sans incident, assure-t-on sur place. Les contestataires ont exigé la présence du wali, mais c'est avec le chef de daïra et le commissaire de police de Aïn El Turck qu'ils ont négocié. « Nous avons préféré laisser parler les vieux sages qui étaient en retrait », précise à sujet ce jeune participant. Mais la foule ne s'est dispersée qu'après que l'eau a été distribuée, momentanément pour calmer les esprits. « Comme vous voyez aujourd'hui ils nous l'ont encore coupée », atteste-t-on encore. Un homme d'un certain âge a lui aussi participé à la manifestation. « Pour les plus chanceux, l'eau ne vient qu'une fois tous les 10 ou 15 jours et je suis donc obligé de m'approvisionner chez les vendeurs ambulants ou pas et qui me coûte à chaque fois 300 DA au minimum, en fonction des besoins », déplore-t-il. Un autre citoyen résident sur les hauteurs assure, quant à lui, que depuis près de 4 mois aucune goutte n'a été distribuée par l'ADE. C'est le cas des quartiers tels Shara, Roseville. Dans le tas, un membre d'une organisation : Union du mouvement associatif et citoyen (UMAC) a estimé que l'action en elle-même va plus loin qu'un mouvement autour de l'eau. Il concerne toute la gestion de la commune. Sans en être les initiateurs, cinq organisations, dont des comités de quartier, ont apparemment sauté sur l'occasion pour « revendiquer » une meilleure gestion. Dans un fax signé par eux et adressé au wali sont énumérés 4 points dont un a trait à la nécessité d'une rencontre de ces associations avec le chef de daïra au sein même du siège de l'APC pour, est-il noté, « échange de points de vues ». Faute de quoi, note-t-on encore, on initiera une grève de la faim. Les questions liées aux problèmes sociaux ne sont pas ignorées par le maire de Mers El Kebir. Elles ont constitué une grande part des négociations de la veille. « Il était effectivement question de chômage, de logement, etc. Mais la question centrale reste l'eau », indique Maâmar Kerma qui dit avoir « revendiqué » auprès de l'ADE une distribution d'eau deux fois par semaine avec un débit conséquent pour permettre à chaque famille de faire des réserves. « Ils (l'Algérienne des eaux) n'ont dit ni oui ni non », explique-t-il sachant que cette zone est approvisionnée par la station de Brédéah (16 000 m3/j quand les équipements ne tombent pas en panne) qui couvre déjà par ailleurs toute la partie ouest de la ville d'Oran, y compris les quartiers populaires de Sidi El Houari, les Planteurs, Cholet, etc. Les ressources en eau provenant de l'Ouest sont effectivement très réduites et la seule chance qui reste aux habitants d'El Mersa reste la station de dessalement d'eau de mer de Bousfer. A peine les travaux entamés, on promet une livraison dans des délais ne dépassant pas le 15 juillet. Cette station est de moindre envergure (50 000 m3/j au total) que celle d'Arzew (plus de 300 000 m3 /j) mais elle pourra pallier les insuffisances. A elle seule, la commune de Mers el Kebir totalise 18 000 habitants et le recours à la distribution par citernes est une opération presque inutile, juge-t-on ici car chaque quartier enregistre des effectifs d'au moins un millier de personnes. « La corniche est pourtant une zone touristique et de ce fait le problème d'eau ne devrait jamais se poser », remarque un usager de la route. Dans les taxis et autres moyens de transport, on parle encore des événements de la veille qui ont perturbé le trafic, sans heurts.