Ni les mots ni les images ne semblent être suffisants pour décrire le calvaire vécu au quotidien par le jeune Mohamed Taoufik Boussaïd. Des souffrances aussi qui durent depuis 11 ans pour des parents qui continuent de supporter un malheur avec dignité. En date du 26 mars 1994, le jeune Mohamed Taoufik, âgé à l'époque de 8 ans et demi, fut atteint aux deux jambes par une rafale de balles explosives parties d'une mitrailleuse tenue par un jeune appelé du Service national, alors que l'enfant était en voiture avec son oncle maternel roulant derrière un camion militaire aux environs de l'ex-abattoir communal de l'avenue Rahmani Achour. Le blessé qui a été pris en charge par le professeur Guidoum fut sauvé d'une amputation grâce aux soins qui lui furent prodigués par le personnel médical du service d'orthopédie du CHU de Constantine. Après une longue période d'hospitalisation, la situation de l'enfant ne s'améliore pas. « La jambe gauche de mon fils est totalement démunie des muscles du mollet suite à une nécrotomie d'une partie des nerfs et des tendons sectionnés suite à la présence des éclats de balles, ce qui lui a occasionné une paralysie totale », nous révélera son père Kamel Boussaïd tout en nous montrant les certificats d'expertise et les examens neurologiques ainsi que le rapport du médecin légiste du CHU de Constantine. « Depuis 1994, nous soignons quotidiennement des plaies d'escarres occasionnées par le plâtrage (attelle plâtrée) de la jambe gauche. Sans suivi sérieux, ces plaies ne se sont pas cicatrisées jusqu'à ce jour », poursuit le père. Devant la gravité du cas de son enfant et l'abandon de sa prise en charge médicale, Kamel Boussaïd, ayant bénéficié entre temps pour son fils d'une décision de la wilaya de Constantine relative au statut de victime d'un accident survenu dans le cadre de la lutte antiterroriste, décide de se rendre à Alger où il rencontre Mme Flici, présidente de l'Association nationale des familles victimes du terrorisme. Cette dernière interviendra auprès du ministre de la Santé au cours des années 1995 et 1996 à qui elle a remis un dossier complet. Malgré les promesses du ministre, aucune suite n'a été donnée à la demande de transfert du jeune Taoufik à l'étranger. Le père sollicite la prise en charge pour son fils au CHU Mustapha Bacha d'Alger, à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja et à l'hôpital de Douéra spécialisé dans les greffes, en vain. « Devant autant de désintéressement, d'insensibilité et de mutisme et ne pouvant supporter encore les souffrances de mon fils, j'ai décidé d'écrire en janvier 1999 à des amis français installés à Strasbourg et en Allemagne qui exposent le cas de mon fils à l'ONG Médecins du monde. Ces derniers acceptent de prendre en charge bénévolement mon fils au CHU de Strasbourg ». Cela s'avérera en outre insuffisant, car les multiples et incessantes démarches réglementaires pour l'obtention d'un visa, même touristique auprès des ambassades de France et d'Allemagne, ont été infructueuses. On exige au père une prise en charge médicale délivrée par la CNAS en Algérie. Kamel Boussaïd ne manque pas de nous rappeler que depuis l'accident de son fils, il a sollicité le concours et l'intervention du Premier ministre, du président de l'Assemblée nationale, des députés et des sénateurs. « Tout ce monde, en Algérie et en France, est resté insensible et muet devant les souffrances d'un enfant, dont le tort est de s'être trouvé par la force du destin au mauvais endroit et de n'être que le fils d'un simple retraité de qui on n'attend rien en contrepartie », regrette Kamel Boussaïd qui usera d'un dernier recours en écrivant en juillet 2000 à la présidence de la République pour solliciter une prise en charge du gouvernement algérien pour soins à l'étranger. Un vœu resté toujours sans écho, alors que le jeune Mohamed Taoufik Boussaïd et ses parents gardent encore un espoir, aussi mince soit-il, pour connaître la fin d'un calvaire qui dure depuis 11 ans.