Alors que Mohamed Benchicou, directeur du journal Le Matin, boucle un an de prison sur les deux années auxquelles il a été condamné, Reporters sans frontières (RSF) lance une nouvelle campagne de mobilisation et demande à nouveau la dépénalisation des délits de presse, tandis que se tiendra aujourd'hui, à 18h, un rassemblement devant l'ambassade d'Algérie à Paris à l'appel du journal L'Humanité et du comité pour la liberté de la presse en Algérie. L'Humanité appelle toutes celles et tous ceux qui ont signé la pétition pour la liberté de la presse, toutes les femmes et les hommes attachés aux idéaux de démocratie et de liberté au rassemblement de protestation, ce soir, devant l'ambassade d'Algérie. La pétition sera remise à l'ambassadeur. Ce rassemblement sera l'occasion de prises de parole et de moments musicaux. Jeudi dernier, le Parlement européen a voté à l'unanimité des groupes politiques une résolution dans laquelle il demande aux autorités algériennes de « libérer sans délai les journalistes condamnés à des peines de prison pour diffamation et de mettre fin à cet acharnement judiciaire vis-à-vis des médias privés algériens ». Des comités de soutien à la liberté de la presse en Algérie ont vu le jour dans plusieurs villes de France, mais aussi à Bruxelles, à Berlin et à Montréal. « La justice algérienne, par le biais du tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, à Alger, s'évertue à condamner des journalistes chaque mardi pour des délits de presse », a déclaré RSF, hier matin, à la faveur d'une conférence de presse à laquelle ont pris part Mme Benchicou et des membres du collectif pour la liberté de la presse en Algérie. « Tandis que les espaces d'information indépendants se réduisent de plus en plus, la liberté d'expression est en grave danger en Algérie. Nous appelons le président Bouteflika à la raison et lui rappelons qu'il avait déclaré le 3 mai dernier : les institutions nationales ne sont pas contre la liberté de la presse. » La dernière affaire en date, rappelle RSF, est celle de Djamel-Eddine Benchenouf, journaliste exilé en France. Le journaliste a été condamné pour diffamation à trois mois de prison ferme par défaut par la cour d'appel de Sétif à la suite de la publication, dans le quotidien Liberté, de deux articles dans lesquels il dénonçait des malversations et des détournements de fonds au sein de la Caisse nationale d'assurance sociale (CNAS) et de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). L'affaire avait été pourtant classée en juillet 2004 par le juge d'instruction en première instance. Une centaine de procès sont en attente et 200 plaintes en diffamation ont été déposées contre des journalistes, sans compter les tentatives financières d'asphyxie des journaux. A titre d'exemple, Le Soir d'Algérie est condamné à une amende de 300 000 euros. « La libération de Florence Aubenas, qui compte beaucoup d'amis en Algérie, et de Hussein Hanoun nous a remplis de joie et donné de l'espoir, celui de voir aboutir la mobilisation et la solidarité », a souligné Mme Benchicou. Elle a rappelé que Mohamed Benchicou, qui a fêté ses 53 ans le 1er mai en prison, bien qu'affaibli par la détention et la maladie, « accepte son emprisonnement comme le prix à payer pour la liberté de la presse. Son emprisonnement, ce n'est rien par rapport à la mort de ses collègues ». « C'est le message qu'il m'a chargée de vous transmettre », a souligné Fatiha Benchicou. Nouvelle campagne de sensibilisation RSF lance une nouvelle campagne pour sensibiliser l'opinion publique à la situation de la liberté de la presse en Algérie. Sur le visuel, on voit un pied en train d'être ciré par un homme assis. Même si au sens propre du terme, il n'y a plus de cireurs de chaussures en tant que gagne-pain de misère en Algérie depuis l'indépendance, l'image est à retenir au sens symbolique. Le texte qui l'accompagne dit : « Pour le Président algérien, il n'y a qu'une seule façon d'être journaliste. Mohamed Benchicou l'a appris à ses dépens. Condamné à deux ans de prison, le directeur du quotidien Le Matin est incarcéré depuis juin 2004. Emprisonnement de journalistes, procès à répétition et menaces se multiplient. La presse privée algérienne est victime d'une véritable campagne de harcèlement de la part des autorités. N'attendez pas qu'on vous prive de l'information pour la défendre. »