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Oussama, Queen et karkabou
Avec les supporters au stade du 5 Juillet à l'ombre de la coupe d'Algérie
Publié dans El Watan le 23 - 06 - 2005

Mardi 21 juin. Le jour le plus long de l'année. Ça l'est surtout pour Oussama, 8 ans, venu de Sétif avec son frère soutenir l'USMS face à l'ASO de Chlef en finale de la coupe d'Algérie au stade du 5 Juillet sur les hauteurs barbelées d'Alger.
Le visage entre de frêles mains, petit regard, torse nu et tee-shirt blanc rayé de noir de l'Entente sur les genoux, Oussama semble plus adulte que son âge. Après la 95e minute de jeu et le but fatidique du Chélifien Messaoud, l'enfant adopte la tristesse du monde. Les gradins sétifiens se vident. L'ultime espoir résiduel d'un requiem de derbouka n'arrache pas l'enfant à sa mélancolie. Oussama se rhabille promptement, se lève et rejoint son frère à quelques rangs de déception plus haut. Il ne parle plus. « Tu as beaucoup de peine ? » Son regard répond. Pourtant, l'espoir des Sétifiens a nourri ce long premier jour d'été. Et tout se passa comme le prévoit le code de procédures géniales de l'univers des supporters. 14h 25. Gare de l'Agha. Alger. Des vitres du train qui rentre de Chlef jaillissent les slogans de l'ASO. Le toit du train se teinte de rouge et blanc.
Balades à Ben Aknoun
La chute du train d'un supporter, qui s'en sort avec des blessures à Blida, n'a visiblement pas atténué l'engouement, la force et la fierté qu'ils paradent rue Didouche Mourad. Au souvenir des razzias d'autres supporters, les magasins algérois baissent rideau et les jeunes filles rasent les murs. Mais les Chélifiens ne sont pas là pour la casse. Ils sont même salués par le peuple d'Audin et de la grande artère. On en arrive même à oublier que les marches, les manif, les parades, les réunions sont interdites hors cadre officiel dans les rues de la capitale. Quelques cas de casse sporadiques sont signalés du côté de la gare de l'Agha et sur les hauteurs du boulevard Pasteur. Mais dans l'ensemble, le calme prévaut. « Alger est notre capitale. Pas question de casser. Sinon, où accueillerons-nous les présidents étrangers en visite ya a... ! », proclame Omar, Sétifien partisan du pacifisme de la manifestation des Lions de Chlef. 14h 50. La trémie en chantier de Chevalley soulève des tonnes de poussières et invente des kilomètres de contournements. Sur le cahoteux chemin du stade, parsemé de policiers en matraque et de revendeurs de billets à 100 DA malgré la gratuité du spectacle, des jeunes de Aïn Oulmane, localité de Sétif, pourchassent la moindre goutte d'eau. « Les cafés refusent de nous donner de l'eau. Nous vous inviterons à Aïn El Fouara (mythique monument-source de Sétif). C'est gratuit », lance l'un d'eux. Ils tombent soudain sur une citerne et s'abreuvent sous l'ombre d'une banderole géante « Houbel (patriarche des idoles préislamiques en Arabie) USMS » portée par deux jeunes drapés de couleurs nationales. Un gamin passe en proposant des fumigènes jaunes : 1000 DA l'unité. Les enfants de Aïn Oulmane sont contents. Ils sont arrivés ce matin en bus loués par les pouvoirs locaux. Sandwichs, bouteilles d'eau, balades dans les bois de Ben Aknoun, tout est pris en charge par des maisons de la culture d'Alger. Omar, lui, a passé la nuit à la belle étoile à la plage R'milet El Aoud et a fait trempette la veille du match avant d'acheter, devant l'ancienne synagogue devenue mosquée de La Casbah, des reproductions de photographies de Hassiba Ben Bouali, héroïne de la Bataille d'Alger. Sous le soleil, le stade du 5 Juillet. Encerclée par les bus et la chaleur, l'arène polychromatique se dessine en tribunes rouge et blanc, en grenat et blanc, se faisant face, avec une nuance compacte de vert kaki ordonné au milieu : une demi-douzaine de sections de jeunes appelés plantant des drapeaux algériens et de minuscules fanions des deux clubs. Les militaires sont surplombés par des réclames géantes de pâtes et de concentré de tomate nationaux. Les gradins semblent mouvants. Les tribunes chélifiennes noyées dans le rouge tous azimuts, même le drapeau canadien est appelé à la rescousse. La zone sétifienne croule sous le noir, le blanc et le grenat, couleurs unifiées de l'Entente et de l'USMS. Banderoles géantes : « Un lion est toujours un lion », « Les jeunes de Bab El Oued souhaitent la bienvenue à Son Excellence le président Abdelaziz Bouteflika », « Vini Vidi Vici, El Asnam Paxa concorda », « USMS 1933 », « Sétif pour la réconciliation nationale », « Chlef-El Djawareh (carnassiers) »... Les supporters inondent les allées sous les tribunes de brouhaha et de va-et-vient. Queues devant les toilettes. Costumes de fête. Têtes de fête. Robe kabyle ceignant un Sétifien déchiré entre l'USMS et la JSK dont il porte un énorme drapeau criant « Imazighen ! ». Troupes de karkabou, caisse, derbouka se déploient stratégiquement au centre des deux camps. En avant la musique, les tee-shirts en l'air et les déhanchements virils à faire pâlir un consciencieux ostéopathe. L'entrée des joueurs pour l'échauffement met le feu aux poudres.
Une Hola bien huilée
Le stade explose de cris, sifflements, tee-shirts virevoltant en l'air, applaudissements, la structure de béton tremble. Les militaires restent calmes et secouent de temps en temps des fanions. La musique de variété organique crachée par les haut-parleurs cède à un morceau de l'Orchestre nationale de Barbès Mimouna ! Celui-ci est noyé dans le vacarme des slogans qui fusent : « U-S-M-S ! », d'un côté et « Aujourd'hui nous b... le monde ! » du côté de Chlef. 16h 25. La tribune officielle est à l'ombre. L'orchestre en tenue traditionnelle de la Garde républicaine, stationné au bord de la touche, manœuvre vers le milieu du terrain entonnant une marche militaire. Le public siffle puis oublie en reprenant slogans et courses derrière les vendeurs, dont des enfants, de cigarettes, de pétards, de chique, de gaufrettes, de thé et de café. Un Sétifien mixe une tirade phallique et une prière en un souffle. Les Chélifiens déploient les drapeaux, fanions, tee-shirts, d'un coup formant un tapis rouge sur les trois quarts des tribunes. « Levez-vous les Arabes ! », réplique un Sétifien. Une vague de sifflements et de slogans s'abat de l'autre côté. Au passage, Hafid Derradji et les photographes de la presse en prennent pour leur grade. Des bouteilles vides, ou demi-remplies par souci aérodynamique, ainsi que des pétards bombardent les inébranlables policiers d'en bas. Des jets qui meubleront les 120 minutes de la rencontre. Un photographe ambulant passe. Les militaires eux improvisent une hola bien huilée. Le match n'est pas encore entamé. 16h 59. Le président Bouteflika n'est pas encore là. Sur écran géant, les costumes sombres et les mines officielles contrastent avec l'énergie bon enfant des tribunes. Les deux équipes attendent bien rangées face à la tribune officielle. On les fait rentrer sur ordre du protocole. On les ressort dix minutes plus tard. « On nous refait vivre une émotion deux fois... », regrette un comédien sétifien. Le président arrive à 17h 10. On le siffle modérément. On le salue. Il salue. On le lui rend tout en clamant « Oussama Ben Laden, l'armée et le peuple ! » Des pétards explosent. Les militaires spectateurs restent calmes. Le supporter en robe kabyle lance un : « Ulac smah ! (pas de pardon) » en version originale. Bouteflika embrasse les joueurs et les staffs pendant 7 minutes. Regagne la tribune officielle sous les « Bab El Oued les martyrs ! » lancés par une bonne partie du public sétifien alors qu'une autre réclamait à pleine gorge de l'Artane. Les jeunes suivent l'hymne national V de la victoire en l'air. Les militaires chantent. L'orchestre mauresque bat en retraite. Le match commence à 17h 17. A la moindre balle touchée, au moindre tacle, au premier coup-franc, à l'ultime corner menaçant les buts des uns et des autres, la plaque tectonique des gradins s'ébranle et risque la fracture des structures de béton. Le public vit au rythme des joueurs. Les derboukas accompagnent les passes. Les karkabou commentent les tirs mal ajustés. Les tirades d'insultes, parfois durant deux ou trois minutes, fusent comme des ogives s'écrasant sur le tympan et le gazon. L'arbitre est traité d'homosexuel passif et de filou. Les joueurs adverses sont promis au viol collectif. Les supporters de l'autre camp mériteraient toutes les violations des droits de l'homme. A la 28', un policer en matraque tente de raisonner un supporter sétifien généreux en insultes diverses risquant d'arriver aux tympans officiels. A la 31', les Sétifiens supplient les pompiers de ne pas soigner un attaquant de l'ASO blessé à la jambe. Des fumigènes rouges tombent de tous côtés évitant de peu les policiers gardant les limites du terrain. Mi-temps. On se bouscule pour gagner les toilettes et les robinets d'eau. Les voitures blindées des officiels et leurs gardes du corps assoupis stationnent entre les entrées des tribunes des deux camps. Un transfuge drapé des couleurs du MCA passe croisant un Sétifien en ensemble et bonnet noir sur blanc, le visage peint en grenat. La Garde républicaine assure l'intermède avec une chorégraphie dessinant une étoile et un croissant avant d'entamer Djazaïrouna ya bilad el djoudoud..., dont les paroles ne sont pas connues par un supporter qui dit avoir faim et une migraine. Puis Queen lance à travers les haut-parleurs We were rock you. Seconde mi-temps. L'ombre gagne du terrain. Du côté de Chlef, la démographie explose. Au bras d'un jeune, une fille, inédite présence, aux couleurs de l'ASO, traverse les allées sous les gradins. La moitié des centaines de spectateurs oublie, pour un regard, la coupe d'Algérie. Les écrans géants expliquent l'emplacement des bus pour le retour du soir et les horaires des trains spéciaux. Le match se termine avec un nul partout. La tension est là mais la joie l'emporte. L'espoir surtout. Mais les prolongations achèvent le rêve des Sétifiens. Le choc. Messaoud de l'ASO inscrit l'unique but de la rencontre. But de la victoire chélifienne. Les gradins rouge et blanc semblent s'envoler de liesse. Pluie de fumigènes rouge et jaune. Cris. Du côté de Sétif, silence, visage fermé, poings serrés, regard consterné. Puis, le peuple désespéré applaudit. Il faut soutenir jusqu'au bout. Ne pas lâcher les joueurs exténués sur le terrain. Le supporter a un cœur grand comme ça. « Le match n'est pas encore fini. Allez-y les enfants ! Attaquez nom de Dieu ! », lâche un Sétifien qui réussit à entraîner ses compères. Le drebki téméraire ne changera pas le cours de l'histoire, mais prouvera la beauté du panache. Oussama, gamin des Hauts-Plateaux, n'y croit plus, cherche maintenant son frère du regard. D'ailleurs, les gradins se vident. 118e minute, les agents antiémeute se positionnent face aux tribunes. Du côté sétifien, ils font face au vide. Fin du match. Un barbu sort son portable et prend en photo ses amis. Les Sétifiens saluent leur équipe, mais aussi les champions. Les supporters de Chlef scandent le nom du club sétifien à la remise des médailles par Bouteflika. We are the champions of the world (Nous sommes les champions du monde), soutient Freddy Mercury. La coupe d'Algérie brille sous la pleine lune et le projecteur de l'hélicoptère de la police. On quitte le stade la main dans la main. Pas la peine que les policiers, à la sortie du stade, séparent les deux camps. Ils n'existent plus. Les bus créent des bouchons monstres. Les supporters de l'USMS aident leurs adversaires à monter avec eux pour regagner les gares du train. « Démarre chauffeur ou je casse les vitres », s'impatiente Omar, le Sétifien, avant de se rattraper : « Mais moi j'ai peur du gouvernement. Pas touche. » Le public court derrière les bus. Belle pagaille et ambiance bon enfant. « Ils sont sages, car on est là », commente un haut officier de la police entouré de porte-matraque. Les supporters descendent à Alger manifester leur joie. Sans dégâts. Certains termineront la nuit au Square Port Saïd, à côté des restaurants de la rue Tanger ou chez des amis découverts le jour même. Un jour pas aussi long que ça.


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