Après mon hospitalisation de seize jours pour un contrôle et le suivi du traitement à l'hôpital d'El Kettar, je dois rentrer chez moi à Saïda. Il m'est impossible de voyager dans cet état, le problème est que je dois trouver où passer la nuit en attendant de prendre le train très tôt le matin », nous dira Zohra, porteuse du VIH/sida, d'une voix fatiguée et un visage ravagé par la maladie qui s'est rendue à notre rédaction accompagnée des membres de l'association AIDS-Solidarité. Ils sont, ajoute-t-elle, des centaines à vivre la même situation. « Mis à part le traitement (les médicaments) que nous avons au niveau de l'hôpital, tout le reste est à notre charge et à la longue, cela devient impossible. Ceux qui ont les moyens financiers peuvent se soigner et les autres vont crever. Nous sommes dans une société qui n'accepte pas encore notre maladie. Les autorités doivent penser un peu plus à notre situation. » Tel est l'appel de Zohra au nom de tous les malades porteurs de l'IST/VIH /sida. Lesquels comptent beaucoup sur l'association AIDS-Solidarité, du moins les adhérents, pour un soutien psychologique, une aide financière et un accompagnement dans la vie active pour une meilleure réinsertion sociale. Ils sont nombreux à demander de l'aide et du soutien, enchaîne le président de l'association, qui ne cache pas son incapacité à répondre à tous les besoins. « On n'a pas encore les moyens nécessaires pour prendre en charge toutes les doléances des malades qui frappent tous les jours à notre porte. Notre association a aussi besoin d'un soutien financier. Nous sommes une association qui fait un travail colossal pour les malades et nous n'avons même pas un siège », s'est-il indigné avant de signaler que son association a adressé une lettre ouverte à Amar Tou, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, dans laquelle il le sollicite pour intervenir pour « la mise en œuvre de la subvention signée entre le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et le Global Fund pour la lutte contre le Vih/sida portant l'appui d'une enveloppe de 6,5 millions de dollars ». Ce programme de deux années a fait l'objet d'une convention signée, en 2004, entre les deux parties et une budgétisation qui est attribuée aux ONG. AIDS-Solidarité dénonce dans cette lettre « le blocage, les entraves et tous les obstacles causés par la bureaucratie, alors que les malades ont besoin de soutien et ils sont des milliers de jeunes qui souhaitent être informés et prévenus des dangers du sida. » Aids-Solidarité relève : « Les responsables chargés de l'application de cette convention nous ont pris en otage et nous nous retrouvons dans une spirale interminable de réunions et de discours. » L'association AIDS estime que les délais fixés pour attribuer cette aide aux sous-bénéficiaires - plus d'une dizaine - n'ont pas été respectés. « Pourtant, explique le président de l'association, nous avons répondu à toutes les exigences contenues dans le programme du Global Fund, à savoir la présentation d'un plan d'action détaillé. L'argent en question est bloqué au niveau du CPA depuis janvier dernier. Les avis de virement nous ont été transmis en mai dernier et jusqu'à ce jour, le transfert n'est pas encore fait. A qui profite ce blocage ? » Et de préciser : « Nous avons grand besoin de ces financements pour aider ces malades atteints du sida et les personnes vivant avec le VIH et pour que tous les sous-bénéficiaires puissent aller vers les populations pour lutter contre la propagation du VIH. » L'unité de gestion responsable de la mise en exécution de ce projet, que nous avons contactée, rassure, par la voix de son premier responsable, Mme Dekkar, que la situation s'est entièrement débloquée. Mme Dekkar reconnaît sereinement que le programme a connu des retards qui, selon elle, « seront résorbés et ce projet ira à son terme », promet-elle. Pour elle, ces retards n'étaient pas seulement de la responsabilité des institutions, mais aussi des sous-bénéficiaires qui n'ont présenté leur plan d'action qu'en mai. « Seulement quatre ont été retenus, car il fallait élaborer un plan d'action qui soit en adéquation avec le plan d'action national et en conformité avec la subvention accordée », indique Mme Dekkar, en précisant que la convention signée entre le Global Fund et le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière comporte des clauses bien précises qu'il faut respecter. « Mais nous avons dû travailler à un rythme soutenu pour pouvoir élaborer des plans d'actions pour les autres sous-bénéficiaires et les faire accepter. Effectivement, leurs dossiers, qui ont été soumis pour appréciation, ont été finalement retenus et ils seront incessamment tous destinataires de leur part de cet appui », a-t-elle ajouté. Elle a tenu à préciser que la première tranche (1,5 million de dollars) de cet appui, qui a été débloquée sur le compte de la PCH pour l'achat des médicaments qui est un aspect très important dans la prise en charge des malades et de l'installation de l'unité de gestion, ne concerne pas les sous-bénéficiaires. « Ces derniers sont programmés dans la deuxième tranche qui vient d'être annoncée, mais qui n'est pas encore débloquée. Nous allons procéder à un prélèvement sur la première tranche - la partie destinée à l'unité de gestion - pour la verser à ces ONG dans les prochains jours. Une proposition avalisée par le Global Fund. Cette somme sera récupérée sur la deuxième tranche au profit de l'unité de gestion pour ses besoins urgents », a-t-elle signalé. Pour Mme Dekkar, il n'y a pas de raisons de s'inquiéter puisque toutes les procédures sont respectées. « Les choses vont doucement, mais sûrement », rassure-t-elle. A noter que ce programme de lutte contre le VIH /sida est axé sur la prévention, la promotion du dépistage gratuit pour des personnes à comportement à risque, l'amélioration de l'accès à la prévention des risques IST/VIH/sida et la réalisation d'enquêtes épidémiologiques et anthropologiques. Pour rappel, le Comité national de lutte contre les IST/sida a annoncé, en 2004, 630 cas de malades de sida et 1591 cas de séropositifs. Ce sont des cas confirmés par le laboratoire national de référence de l'infection VIH-sida. Ces chiffres ne représentent, selon les spécialistes, qu'une partie des nombreux cas inconnus d'autant que durant ces dernières années, 120 nouveaux cas de séropositifs sont enregistrés par an et 40 nouveaux cas de malades du sida.