La défense choquéeNi le bref réquisitoire du représentant du parquet qui a requis la peine maximale, ni le geste humain du président du tribunal qui, remarquant la fatigue de l'accusé, l'a invité à s'asseoir, ni encore moins le déroulement du procès ne laissaient présager un verdict jugé très dur : un an de prison ferme assorti d'une amende de 100 000 DA contre M. Taïbaoui, vice-président de l'APW et mouhafedh du FLN, poursuivi pour offense au chef de l'Etat. Consterné, maître Khelil, avocat de la défense, a estimé : « La justice, au travers d'un procès qui ne devait pas avoir lieu, a été instrumentalisée par des partis politiques. » A la lecture du verdict, un confrère de l'Expression, venu d'Alger couvrir le procès, s'est exclamé dans la salle des pas perdus : « M. Taïbaoui, fils d'Aflou, est le premier cobaye de l'amendement 2001 portant offense au chef de l'Etat, article 144 bis, du code pénal signifiant avis aux amateurs. » En effet, au cours de ce procès, le collectif des avocats de la défense - maîtres Ahmine de la LADDH, Mme Zaoui, Ouadeh, Guettaf, Chaknane et Khelil - a réduit en pièces l'acte d'accusation. Les plaidoiries ont été plutôt un violent réquisitoire contre des plaignants qui, quoique présents, n'ont pas jugé utile de se présenter à la barre. Les avocats, qui soulignent des manquements aux règles de procédures, ont particulièrement insisté sur le fait que M. Taïbaoui est poursuivi sur la base d'une plainte déposée au nom de 14 élus, signée par 12 d'entre eux, dont 5 seulement étaient présents lors des faits, sans qu'aucun reconnaisse avoir entendu l'accusé utiliser des expressions outrageantes et offensantes au chef de l'Etat. Pis « une première dans les annales de la justice : un témoignage par procuration émanant d'un élu, lui-même poursuivi en justice », a souligné Me Khelil. Par ailleurs, les avocats ont soulevé le fait que lors de l'instruction, ni le P/APW ni les autres élus, qui étaient présents lors des faits, n'ont été entendus. Auparavant, la justice avait rejeté l'appel introduit par l'intéressé à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction qui a émis un mandat de dépôt. « Même la mise en détention provisoire est injustifiée et non fondée au regard du fait que M. Taïbaoui, incarcéré depuis plus de 26 jours, n'était pas sous contrôle judiciaire, n'avait aucun moyen d'exercer des pressions sur les témoins, sa sécurité n'était pas menacée et, en raison de la non-justification de domicile fixe, ne devait pas être emprisonné pour qu'on le condamne aussi sévèrement », affirme maître Ahmine. Le verdict a valu un choc à la défense dans la mesure où, à défaut de preuves, l'article 144 bis du code pénal ne peut être invoqué dans le cas d'espèce, dès lors que les propos incriminés ne peuvent être apparentés à une déclaration publique, un écrit ou une caricature. « L'intéressé n'a même pas bénéficié des circonstances atténuantes prévues par la loi », ajoute-t-on. Un an de prison ferme pour une altercation verbale avec un élu, c'est chèrement payé lors d'un procès où la politique a prévalu contrairement au vœu exprimé par le représentant du parquet.