Historien, ancien ambassadeur de France dans les pays du Golfe et au Sri Lanka, aujourd'hui à la retraite, Pierre Morizot est le président de la société d'études et de recherche Aouras de France, une association de statut français créée il y a trois ans, une sorte de société savante, composée d'une douzaine de personnes, des universitaires français et algériens. Elle compte même deux généraux français à la retraite, qui ont eu à connaître les Aurès dont ils sont épris. Nous lui avons posé quelques questions en marge du colloque sur les Aurès antiques, que la société Aouras a coorganisé avec le centre universitaire de Khenchela. Racontez-nous votre passion pour les Aurès ? Je connais les Aurès depuis 1940. C'est là où j'ai commencé à m'intéresser à l'histoire de ce massif. En 1941, j'ai arpenté à pied et à dos de mulet la plus grande partie des Aurès orientaux, Arris, Bouzina, Batna et la vallée d'Oued Guechtan en une seule semaine et seul. J'ai une passion pour le pays et pour la recherche historique romaine et byzantine. Je retournais dans cette région jusqu'à 1970 pour la recherche archélogique. A la retraite en 1986, j'ai repris de petites expéditions avec ma famille, notamment ma fille aînée, dans cette région. Après les années difficiles qu'a connues l'Algérie, j'y suis retourné la première fois en l'an 2000... C'est à ce moment-là que vous avez rencontré des gens passionnés comme vous... Oui. Abdelmalek Nasraoui, Boubakeur Ouadi, Abdelkrim Hani et bien d'autres encore. Nous avons pensé à la création d'une association. Nous éditons une revue en France intitulée Aouras, nous n'en sommes qu'au numéro 2. Le numéro 3 sera consacré aux récentes découvertes archéologiques à Bouzouamel et à Foum Taghit. Quels son les buts fixés pour les fondateurs de cette associations ? Conscients les uns et les autres de l'existence dans ces montagnes de nombreux vestiges, les membres de l'association ont décidé d'unir leurs efforts pour les préserver, faire comprendre à la population des campagnes que ces pierres font partie de leur patrimoine, qu'elles sont le reflet d'un passé trop longtemps occulté ou oublié, qu'elles permettent d'écrire l'histoire d'hommes qui sont leurs ancêtres. Et que par conséquent, il y a mieux à faire que les débiter pour en faire de la pierre à bâtir ou d'en effacer les inscriptions parfois considérées comme des témoignages de la colonisation. Les membres de l'association, qui sont sur place, ont déjà fait un grand effort dans ce sens. Des projets ? Nous avons beaucoup de projets. Nous pouvons par exemple effectuer le transfert d'une mosaïque, sise en pleine montagne qui a été découverte à l'occasion d'une route il y a environ 3 ans à Bouzouamel (commune de Bouhmama), dans un musée. C'est une mosaïque florale, reproduisant des dessins qu'on retrouve à Lambèse, des fleurs stylisées. L'association est prête à financer le projet avec le concours ou la contribution des autorités locales. En 1960, on a découvert dans la ville de Khenchela, en creusant les fondations d'une maison, une villa romaine décorée d'une remarquable mosaïque représentant la déesse Venus, et une fontaine (dans la même villa), dont les vestiges sont actuellement éparpillés dans le square de la ville. Si la municipalité est disposée à reconstruire cette fontaine en son état d'antan, là aussi nous pourrons contribuer financièrement à cette opération. Y a-t-il d'autres domaines où l'association pourrait jouer un rôle ? Nous pouvons envisager de présenter ou de soutenir la candidature d'étudiants et de doctorants ayant des connaissances dans le domaine de l'histoire ou de la Préhistoire. Déjà, certains de nos membres ont donné des cours à l'université Mentouri de Constantine. Nous souhaitons être partenaires d'organismes algériens.